Implantée porte de Montmartre, dans un quartier prioritaire enclavé du 18e arrondissement de Paris, la Maison de la Conversation est devenue, depuis 2021, une sorte de nouvelle place du village.
Notre manière de vivre a profondément changé. Finies les soirées au coin du feu où l’on se rassemblait pour se réchauffer et où les conversations se prolongeaient jusqu’à la dernière braise. Les cafés, autrefois lieux de débats animés et de rencontres spontanées, ferment les uns après les autres. À Paris et en petite couronne, leur nombre a chuté de 40 % en vingt ans, selon une étude du Crocis (Centre Régional d’Observation du Commerce, de l’Industrie et des Services). Dans ce contexte de fragmentation sociale et numérique, la Maison de la Conversation, nichée au cœur du 18ᵉ arrondissement de Paris, se dresse comme un îlot de résistance. Ici, on se parle, on échange, on construit ensemble. Une parenthèse essentielle dans un monde où les interactions humaines semblent de plus en plus rares.
“ La Maison de la Conversation m’empêche d’être un vieux con”, sourit à pleines dents Xavier Cazard. Co-fondateur de la maison, il vient de souffler ses 60 bougies dont les 3 dernières dans ce tiers-lieu qu’il aime appeler « la place publique du 21ème siècle ». Fondée en 2021, La Maison de la Conversation repose sur 5 valeurs fièrement affichées au mur : sérendipité, inclusion, convivialité, égalité, utilité. Ici, ni grand discours ni élitisme : l’objectif est simple et ambitieux à la fois. « Concevoir, expérimenter et promouvoir la conversation entre des personnes qui ne se rencontreraient pas autrement », explique l’ancien reporter pour qui “on ne peut pas faire société si on n’est pas capable de parler avec des personnes qui n’ont pas les mêmes opinions que soi.”
Quand on entre, on est accueilli par les effluves de Mam’Ayoka , la coopérative qui anime le café, au rez-de-chaussée, où l’on peut – en plus d’une conversation – partager un jus de gingembre, un tiep bou dien ou un mafé vegan. Une cuisine multiculturelle et la plus éco-responsable possible, préparée par des femmes éloignées de l’emploi.
Tout a vraiment commencé non pas autour d’une tasse de thé mais avec Tas2T : une association créée par des étudiantes qui propose des salles de travail gratuites aux jeunes des quartiers populaires. A son ouverture , en plein confinement, la Maison les accueille. Peu à peu, avec l’aide de ces jeunes, le tiers-lieu réussit à trouver sa place . « Écoute, Xavier, je ne sais pas comment vous avez fait, mais vous existez dans le quartier”, lui a même confié le directeur de la Maison Bleue, le centre social situé à quelques mètres. Depuis, la Maison de la Conversation s’est imposée comme un carrefour d’idées et d’échanges dans ce territoire aux mille visages. Grâce à une programmation riche et diversifiée, elle attire un public varié : des jeunes, des habitant.es du quartier mais aussi des intervenant.es et des curieux.ses venu.es d’ailleurs pour partager leur expertise ou leurs expériences.
“J’aime bien dire que quand tu viens à la Maison de la Conversation, c’est pour avoir une conversation fertile”, confie Grâce Iba, programmatrice culturelle du lieu. Non loin d’elle, des clients attablés discutent. La variété des formats proposés permet à tout le monde d’y trouver son compte: cercles de parole, rencontres avec des personnalités inspirantes, battles de talk, ateliers de danse… Toutes les façons de s’exprimer et d’aller vers les autres sont bonnes.
L’un des projets phares de la Maison de la Conversation, c’est la Rue de la Conversation. Un projet imaginé avec les habitant.es pour créer une sorte d’agora et redonner à l’espace public ses lettres d’échange et de convivialité, à l’aide de bancs et autres meubles urbains upcyclés et modulables, co-conçus avec le studio Fragment. “ Il faut que les habitants puissent avoir envie de s’approprier la rue et y décident de fêter l’anniversaire de leur enfant” s’exclame Grâce. .
Mais l’engagement de la Maison veut aller au-delà de la simple mise en relation. Des programmes comme JO’OSE (« Jeunesse, Orientation, Socialisation, Emploi ») proposent des ateliers pour les jeunes des quartiers populaires. En partenariat avec l’EMI, l’Ecole des Métiers de l’Information, 2 promotions de 15 jeunes ont bénéficié d’une formation gratuite et certifiante. Ils ont par la suite intégré la rédaction du média la Base. Ce tiers-lieu bavard accueille aussi des associations en résidence, des conférenciers et des bénévoles.
Alors que la société semble s’enfermer dans des bulles numériques et derrière des écrans, la Maison de la Conversation résiste pour recréer du collectif et faire du lien, en misant sur la créativité de chacun.e. Et comme le dit Xavier Cazard : « Même en cas de fin du monde, nous aurions encore une conversation pour trouver des solutions. »