Depuis 5 ans, l’association Refugee Food permet à des exilés de devenir commis de cuisine. Une formation multiculturelle censée leur permettre d’accéder à des emplois durables.
“Maryse”, “fouet”, “chinois”… Si les cours de français de la formation Refugee Food s’adressent à des exilés, le niveau n’en n’est pas moins élevé. Dans l’ancien bâtiment de la faculté de la Sorbonne transformé en pépinière d’associations, les douze élèves de la promotion “tournesol” analysent ce matin-là une vidéo de Philippe Etchebest, la vedette des cuisines et de la télévision. Pas de quoi impressionner les apprentis qui s’interrogent : “il n’a pas le droit normalement de porter une montre et des bagues en cuisine”. Hygiène, codes de bonne conduite, numérique et bien sûr pratique de la cuisine… Les élèves suivent depuis deux mois des cours en tout genre pour devenir commis de cuisine.
Une formation un peu plus longue que la normale pour leur permettre de maîtriser aussi bien la technique, les savoirs être et le français. De Cuba au Tibet en passant par l’Afghanistan, les apprenti.es originaires des quatre coins du monde ont toutes et tous obtenu le statut de réfugié.e en arrivant en France. Un mélange de cultures qui se marie bien avec les exigences de la cuisine. Chaque début de cours, le récit de bonnes nouvelles donne lieu à de riches échanges sur les meilleures recettes ou restaurants testés dernièrement. “C’est une petite famille”, observe Olga, la professeure de français, chargée d’organiser leurs échanges en y insérant du “passé composé” ou du “futur proche”. “La langue est une porte. Si c’est fermé, ils ne verront jamais toutes les possibilités qui existent derrière”, indique l’ancienne comédienne, qui tente par tous les moyens de dynamiser le cours pour permettre aux apprenti.es de gagner en confiance en soi.
“On a tous déjà des compétences dans la cuisine”
La langue, c’est aussi le principal obstacle à l’emploi auquel Louay a été confronté. Originaire de Syrie, il a d’abord tenté de travailler dans l’hôtellerie. Mais sans la maîtrise du français, il n’a pas réussi à trouver d’emploi stable. Il a alors effectué un premier parcours d’initiation avec Refugee Food pour se spécialiser dans la cuisine, la formation “romarin”. “On a tous déjà des compétences dans la cuisine, avec un patrimoine culturel particulier, mais cette première initiation permet de valider l’attrait des candidats”, explique Axelle Duval, responsable des formations professionnelles de l’association.
C’est avec cette volonté de lier les pratiques culinaires, les origines et l’insertion qu’est né Refugee Food, il y a 10 ans. Initié comme festival culinaire, le concept s’est aujourd’hui exporté dans une dizaine de villes et a permis à l’association de créer un service d’aide alimentaire, de traiteur, d’ouvrir 3 restaurants à Paris et de former plus d’une centaine de réfugié.es par an à Paris et Marseille. “La cuisine reste un milieu multiculturel où on emploie de façon non déclarée”, observe Axelle Duval. “Notre volonté est de permettre aux participants d’acquérir des compétences pour accéder à des postes durables et à responsabilités.” Refugee Food affiche ainsi fièrement un taux d’emploi de 75% de ses étudiants et note que certains sont devenus chef.fes de partie ou ont même ouvert un coffee shop.
Objectif, travailler dans un restaurant gastronomique
Un rêve que partage Mariam, originaire de Côte d’Ivoire, qui se voit travailler plus tard dans un restaurant gastronomique. “Je me suis passionnée pour la cuisine, maintenant, je veux tout connaître”, affirme-t-elle, avant de commencer un stage dans les cuisines du Bouillon Chartier, un restaurant bon marché qui peut servir jusqu’à 2400 couverts par jour.
“Je suis un peu stressé”, confesse de son côté Safi Allah, en attente du même stage. Il compte, pour réussir, s’appuyer sur son expérience de neuf ans en boulangerie qu’il a pratiquée en Turquie, après avoir fui l’Afghanistan. Pendant toute leur formation, les apprenti.es sont rémunéré.es par France Travail et bénéficient d’un accompagnement socio-professionnel. “Ils ont leurs papiers, mais il y a aussi beaucoup de démarches administratives, notamment liées au logement”, indique Axelle Duval, qui identifie aussi le besoin de mettre en place de meilleures solutions pour la garde d’enfants. L’association cherche également à aller vers de nouveaux profils de candidats et permettre aux jeunes diplômés d’accéder à un meilleur réseau professionnel. Mais comme la cuisine, c’est d’abord et avant tout du travail, avant de rencontrer Philippe Etchebest en personne, les 12 élèves de la classe Tournesol enchaînent sur une nouvelle vidéo de conseils du chef cuisinier.
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