S’installer en habitat léger est devenue une solution pour de plus en plus de Français, confrontés aux prix de l’immobilier ou au désir de nature. Un problème pour les pouvoirs publics, qui y voient le développement d’une forme d’illégalité.

Crise écologique et du logement obligent, de plus en plus de personnes s’installeraient en habitat léger. Par choix ou par nécessité, près de 100 000 personnes résidaient dans des “habitations de fortune”, en 2016, selon le recensement de l’INSEE. Un chiffre qui regroupe de nombreuses réalités. 

Il y a celles et ceux qui n’ont pas d’autres choix que d’essayer de s’installer sur un terrain en bidonville, en chalet ou en caravane, la part consacrée au logement dans le budget des ménages ayant presque doublé en vingt ans. Il y a celles et ceux qui essaient d’étendre leurs surfaces habitables en construisant une extension ou un bâtiment sans le déclarer. Et puis, il y a les personnes qui cherchent à s’installer en yourtes, tiny houses ou cabanes pour des raisons écologiques et pour se mettre au vert. 

Des chemins de vie divers que les pouvoirs publics regroupent sous le terme de “cabanisation”. Défini comme l’implantation sans autorisation de constructions, précaires ou non, dans des espaces naturels, agricoles et forestiers mais aussi dans des zones de risques, “le phénomène est ancien, mais force est de constater qu’il tend à se développer », nous indique la préfecture de Seine-et-Marne, qui a lancé une stratégie de lutte contre cette forme d’habitat illégal il y a quelques années. Après avoir recensé près de 150 signalements entre 2021 et 2023, l’institution a organisé un séminaire en mai dernier pour mieux repérer et exécuter les décisions de justice dans ce domaine. 

Dernière opération en date, l’expulsion d’une soixantaine de personnes vivant en chalets, caravanes et mobile-homes sur un terrain municipal, occupé depuis trente ans. Les plus précaires, en mal de logement, sont ainsi les premiers concernés.

Une conséquence de la crise du logement ? 

Pour les personnes incriminées, c’est la double peine, regrette Guillaume de Salvert, coordinateur de la Fédération de l’habitat réversible. « Il n’y pas plus fragilisant socialement, des gens peuvent ne pas s’en remettre”, explique ce défenseur de l’habitat léger, qui ne comprend pas pourquoi les pouvoirs publics se focalisent tant sur cette thématique. Déjà précarisées, les personnes doivent en plus se cacher pour espérer garder leurs lieux de vie. 

Le campement de la Jungle de Calais, 11 mai 2016. – Assemblée parlementaire de l’OSCE

À cette situation difficile, les préfectures et mairies opposent les risques sanitaires, d’incendies ou d’inondations accrus avec ce type d’habitations illégales. « C’est entendable si des solutions sont proposées derrière », admet Guillaume de Salvert, « mais je ne crois pas que ce soit plus salubre pour ces personnes de vivre dehors. »

« Par son caractère hors système, la cabane est un cauchemar pour le capitalisme »

La lutte contre la cabanisation déborde aussi du cadre strictement légal pour installer un climat de plus en plus répressif, s’inquiètent les acteurs du domaine. Si les chiffres sont très compliqués à vérifier, on estime que la grande majorité des habitats légers sont installés de façon informelle, hors du cadre de la loi. Certains constructeurs de yourtes ou tiny houses – petites maisons déplaçables – l’avouent, ils conseillent à leurs clients de s’installer d’abord, puis de se manifester plus tard auprès de la mairie, afin d’éviter l’expulsion.

Les actions des pouvoirs publics restreignent alors ces nouvelles installations, jusqu’à menacer aussi certains agriculteurs qui vivent en caravanes sur leur terrain. « C’est dommage, il faudrait encourager ce mode de vie écologique, qui permet de ne pas s’endetter et de répondre à la crise du logement, mais ce n’est pas du tout le chemin qui est pris », souffle Guillaume de Salvert. 

Pourtant, l’envie de s’encabaniser progresse depuis le confinement, notamment chez les plus aisés. La cabane est une façon de s’extirper du monde et du système pour se « reconnecter à soi-même », nous explique Frédéric Desfrenne, du compte Instagram “une cabane par jour”. Celui qui a récemment vu son audience exploser explique que la plupart des gens ne sautent pas forcément le pas mais rêvent d’une autre manière d’habiter, en opposition à la maison individuelle, gourmande en énergie et néfaste à la biodiversité. 

Si les politiques anti-cabanisation ne visent pas en priorité ce type d’habitat, Frédéric indique tout de même en ressentir quelques effets. « Il y a énormément de contraintes, c’est très difficile de s’installer », explique-t-il, en considérant même que « par son caractère hors système, la cabane est un cauchemar pour le capitalisme ». Pourtant, la plupart des acteurs du domaine regrettent le flou juridique autour de l’habitat léger qui peut mener à l’illégalité et assurent qu’un certain nombre de particuliers seraient prêts à payer plus d’impôts pour s’installer. 

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