À l’occasion du cyclotour des tiers-lieux d’Ile-de-France, nous avons rencontré le maire d’Auger-Saint-Vincent, pour qui la politique locale doit en priorité favoriser la création de lieux de sociabilité. Doléances des gilets jaunes, écologie, art…Il tente de faire des lieux associatifs le centre de l’action commune.

Bienvenue à Auger-Saint-Vincent, dans l’Oise. Ses 496 habitants, son café associatif ouvert il y a trois ans après 28 ans de vie sans bistrot et son « maire facilitateur », à la fois bénévole au bar et à l’initiative du projet. Propulsé comme « avocat de la ruralité » grâce à un documentaire dédié aux doléances, collectées lors de la crise des gilets jaunes, Fabrice Dalongeville fait partie des intervenants du cyclotour des Tiers-lieux d’Île-de-France.

Les quelque 30 cyclistes de l’expédition organisée fin août ont ainsi pu découvrir l’ancien presbytère du village réhabilité en espace de restauration et d’évènements culturels d’un côté, et de gîte communal de l’autre. « Au début, on voulait faire une auberge en mettant un gérant. C’était un gros investissement, mais ce n’a pas réussi à émerger. D’un projet XXL, on l’a redescendu en L et je me dis aujourd’hui que c’est tant mieux », sourit l’édile qui considère ce projet comme « le plus important du village ». Pour lui, ce qui manque le plus en milieu rural, ce sont les espaces de sociabilité. 

« Finalement aujourd’hui, tout le monde a plus ou moins accès à internet, si bien que la première camionnette qui circule ici, c’est Amazon. Les gens accèdent donc à la consommation avec le commerce en ligne. » Mais pour se réunir et discuter, on ne peut plus compter sur les églises, les comités des fêtes n’organisent que quatre ou cinq manifestations par an et les associations de parents d’élèves ne concernent pas tout le monde.  

Alors pour montrer que la population rurale ne se résume pas aux agriculteurs et à ceux qui chassent, mais plutôt pour que toutes les autres personnes acceptent et essaient de mieux se comprendre, Fabrice Dalongeville mise tout sur le café citoyen. Et « ça fonctionne », se réjouit-il. Alors que la moitié du conseil d’administration du café était à l’origine composé d’élus municipaux, ils ne sont désormais plus que deux sur quinze. Preuve que les habitants s’y investissent. 

Une barrière psychologique à l’entrée

Pour autant, « tout le monde ne vient pas », rappelle le maire qui dit faire face à des barrières psychologiques difficiles à faire sauter. « Même si des personnes veulent venir, ils se demandent ce qu’on va penser d’eux là-bas, de quoi on va parler et avec qui. » La venue de personnes âgées tous les mercredis après-midi pour jouer aux jeux de société résonne ainsi comme une petite réussite dans cette politique locale « du faire ».

En reniant ses ambitions nationales pour s’inscrire en opposition aux fausses promesses de décentralisation sous le mandat de François Hollande, Fabrice Delongeville s’est forgé une stature de défenseur des ruralités. Une mission renforcée par la sortie du documentaire sur les doléances récoltées par les mairies lors de la crise des gilets jaunes, dans lequel il est le fil rouge. « Encore une fois, cela a été à l’initiative du café citoyen, où nous avions organisé l’avant-première d’une pièce de théâtre consacrée aux doléances », explique le maire qui a été l’un des instigateurs de cette initiative, transformée plus tard en grand débat national par le président de la République. Négligés par l’exécutif, Fabrice Delongeville cherche par tous les moyens à faire vivre ces témoignages. Il compte notamment utiliser le réseau national des tiers-lieux pour se saisir des archives et les présenter au public et administrations. 

Les tiers-lieux sont “éminemment politiques”

De cette mine d’or de la consultation, le maire d’Auger-Saint-Vincent en a tiré un constat clair : les citoyens sont bien plus préoccupés par les enjeux environnementaux que par l’insécurité ou l’immigration. « Venez vous balader à vélo dans le coin et vous allez vite comprendre que les enjeux de mobilité douce sont encore trop peu investis », illustre-t-il. Alors pour combler le déficit culturel et écologique des campagnes, il souhaite prochainement constituer un consortium de tiers lieux du département. Ces « communs éco-culturels » auront pour ambition de déployer la transition écologique par l’art et la médiation culturelle.

« Alors oui, c’est éminemment politique. À partir du moment où l’on fait un café citoyen, c’est déjà un acte militant ! », assume-t-il, en reconnaissant que les tiers-lieux font clairement partie des politiques de gauche. « Mais c’est une posture : on fait, on agit, on avance et on ne demande pas la sensibilité politique des gens. » Une politique de plus en plus vitale selon lui, alors que sa circonscription a élu une majorité de députés du Rassemblement National aux dernières élections législatives. S’il a un temps hésité à ne pas se présenter aux prochaines élections municipales de 2026, le contexte a changé la donne et lorsque la question arrive, la réponse fuse : « Je ne peux pas lâcher l’affaire, car il va falloir rentrer en résistance ! »

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