Entièrement recouverte à partir du 19ᵉ siècle, la Bièvre est en train de revivre sous l’action des collectivités territoriales qui tentent de lui redonner son état naturel. Une bonne nouvelle pour la biodiversité, qui peine encore à faire l’unanimité.

« On a l’impression que c’est un golf, mais il y a ici une grande biodiversité », assure Hervé Cardinal, devant la Bièvre, fraîchement enherbée au niveau de Jouy-en-Josas, dans les Yvelines. Agent technique pour le Syndicat intercommunal pour l’assainissement de la Vallée de la Bièvre (SIAVB), il coordonne les travaux de renaturation du cours d’eau, en Ile-de-France.

Déchets des abattoirs, des hôpitaux ou des tanneurs, la rivière a longtemps joué le rôle d’égout pour la ville de Paris. Pour éviter les odeurs et nuisances, elle est complètement recouverte en 1912 dans la capitale et au milieu des années 1950 en banlieue. On la comble, on la contraint dans des blocs de béton et on la limite par des barrages et écluses le long de son parcours.

Donner un nouvel habitat aux espèces naturelles

On fait aujourd’hui totalement marche arrière. Pour limiter les inondations, favoriser la biodiversité et des espaces de promenades au frais, le cours d’eau fait l’objet depuis 2016 d’un vaste programme de “reconquête écologique”. Aujourd’hui, la Bièvre se dévoile à nouveau au grand air, se tord en suivant les pentes et inclinaisons naturelles et laisse place à l’inspiration. « Ici, on a essayé de revenir aux tracés originels, d’avant le 20ᵉ siècle, en aménageant des courbes et des méandres. Mais la rivière fait ce qu’elle veut », explique Hervé Cardinal, en admirant le chantier terminé en janvier, qui permet en ce printemps à la faune et la flore de se diversifier.

« C’est comme un meublé, chaque espèce a son habitat et va maintenant pouvoir s’installer. Certains aiment les courants d’eau rapides, d’autres les plus lents. Dans tous les cas, il y a plus de volume d’eau pour les poissons en cas de sécheresse ». Quelques mois après le chantier aux allures de champ de bataille, les berges renaturées font déjà le bonheur d’une grande variété de plantes et d’insectes. « J’aime bien les parties sauvages et de pouvoir désormais croiser un héron », valide Allain, un habitant du coin, qui a fait de la zone humide sa promenade préférée.

Couper des arbres pour améliorer la biodiversité ?

Le projet n’a pourtant pas toujours fait l’unanimité. Pour enlever le canal bétonné, les porteurs de projet ont coupé une centaine d’arbres qui longeaient l’ouvrage en béton. « Protéger la biodiversité en coupant des arbres, c’est difficile à comprendre, mais la diversité s’exprime mieux en milieux ouverts », justifie Hervé Cardinal. “On a replanté 350 arbres au-dessus du bassin, même si ce n’est pas équivalent, la biodiversité y gagne au final”, confirme Jean-Louis Du Fou, représentant de l’association des Amis de la Vallée de la Bièvre. “Les gens sont très inquiets au démarrage et sont ravis une fois que c’est fait”, ajoute le bénévole qui participe à la publication d’une revue pour notamment “faciliter l’acceptation par les riverains” de ces projets de renaturation.

Pour rassurer les particuliers qui s’inquiètent d’un changement de paysages ou d’investissements importants, les porteurs de projet ne manquent pas d’énumérer les nombreux avantages d’une telle opération.

Espace de fraîcheur pour l’été, les nouveaux bords de la Bièvre sont surtout censés permettre de limiter les risques d’inondations. « On construit ailleurs des ouvrages anti-crue, qui coûtent des millions d’euros, alors que là pour 500 000 euros, on joue le même rôle et on enlève du béton« , avance Hervé Cardinal. L’investissement, c’est pourtant ce qu’il manque encore selon lui pour achever l’ouverture complète du cours d’eau. “C’est encore compliqué de convaincre les élus d’investir pour ces projets qui peinent encore à être compris.”

D’autant que plus les travaux avancent, plus les bords de l’eau sont urbanisés, avec même parfois des bâtiments construits au-dessus de la Bièvre. “Plus on avance et plus c’est cher” résume Jean-Louis Du Fou, en rappelant qu’un dossier pour un projet “met en moyenne trois ans à être instruit et à trouver des financements”. Si les chantiers sont maintenant à l’arrêt pour laisser place aux espèces naturelles, ils devront reprendre en hiver, pour peut-être un jour s’étendre jusqu’au centre de Paris.

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