“Il faut un peu de trahison pour sauvegarder la tradition”

Dans le quartier prioritaire Danube du 19e arrondissement de Paris, l’association Altrimenti propose des ateliers de cuisine pour lutter contre le gaspillage et la précarité alimentaires. Rencontre avec sa fondatrice.

Dans le quartier prioritaire Danube du 19e arrondissement de Paris, l’association Altrimenti propose des ateliers de cuisine pour lutter contre le gaspillage et la précarité alimentaires. Rencontre avec sa fondatrice.

Impossible de rater le jaune pétant de la devanture. Ne parlons pas du “Altrimenti” écrit en rouge dessus. Quand on pousse la porte ? Une caverne d’Ali Mama, pleine de fleurs séchées, de bocaux de pickles et de pestos de fanes de légumes déclassés, de livres et d’objets surprenants, tels que des vélos-mixeurs.

Altrimenti (“Autrement” en italien) est le nom de l’association créée par Samanta Vergati. L’entrepreneuse sociale à l’accent chantant et aux grands yeux noisette pétillants est aussi chaleureuse que le local dans lequel elle nous accueille. D’origine napolitaine, cette économiste de l’environnement et du développement durable décide, en 2016, de lutter contre le gaspillage alimentaire et d’agir pour  une alimentation saine et durable pour tout le monde : “Actuellement, on promeut la sobriété. Je suis d’accord (…) s’il s’agit de sobriété choisie. Mais il existe aussi une sobriété subie. On ne peut pas parler de sobriété dans ce cas-là, ça s’appelle ‘la pauvreté’. Notre association lutte aussi contre cet écart.”

Volubile, parlant avec les mains, elle raconte son amour de la bonne chère, qu’elle tient de sa grand-mère : “C’est grâce à elle que j’ai construit cet attachement au fait maison.” Elle se passionne d’ailleurs pour les traditions et l’héritage, qu’elle analyse avec son œil critique et moderne pour les adapter aux enjeux sociétaux et environnementaux actuels : “On ne peut pas se permettre de garder les mêmes pratiques. Il faut un peu de trahison pour sauvegarder la tradition”, argue-t-elle en jouant avec une mèche de ses cheveux bruns.

En accord avec ses valeurs, elle propose des ateliers culinaires responsables aux habitants du quartier prioritaire Danube, dans le 19e arrondissement de Paris. Après avoir sauvé des légumes, des fruits et des pains des poubelles des marchés et des supermarchés, Altrimenti invite aussi celles et ceux qui le souhaitent à proposer leurs recettes pour mieux les revisiter. Ici, la cuisine est résolument végétarienne et interdiction de jeter quoi que ce soit : les fanes de radis font de délicieuses soupes, les épluchures d’oranges et de clémentines deviennent des agrumettes confites tandis que les verts des poireaux parfument délicatement un risotto. 

Chez Altrimenti,  rien ne se perd, tout se cuisine. Avec gourmandise.