À l’occasion de la journée internationale du café, rencontre avec Laeticia Natali devenue torréfactrice. Tout a commencé par un simple café. “En 2007-2008, à un moment où on en buvait matin-midi-soir sans se poser de questions, un restaurant nous propose de choisir l’origine du café que nous avions commandé. Ça nous a tellement surpris avec mon mari qu’on a décidé d’en faire le fil rouge de notre tour du monde.” Des dizaines de pays, de fermes et de rencontres plus tard, Laetitia Natali reprend pourtant sa vie et son poste de chargée de communication comme si de rien n’était.

Des catalogues Carrefour, au café équitable

Ce n’est que des années plus tard, au moment de passer le cap des 40 ans, qu’elle se rend compte qu’”imprimer des catalogues pour Carrefour en 3 000 exemplaires, il y en a marre”. Le café lui revient alors en tête, les mauvaises pratiques des grands groupes aussi. Pour vendre un café de qualité pour les clients comme pour les cultivateurs, elle cherche alors à s’engager au maximum.

Les faibles quantités du début aidant, sa société Café 366 ne traite qu’avec des caféiculteurs et négociants appréciés pour leur transparence et rémunérés à un juste prix. “Je connais personnellement certains producteurs et je leur accorde directement le prix qu’ils souhaitent”, explique l’entrepreneuse, qui participe aussi par ses achats au financement d’organisations de producteurs ou d’ONG qui soutiennent les populations locales. “Dans le monde, des millions de familles vivent du café et prennent aussi beaucoup de risques dans leur travail.” Leur permettre de vivre décemment est ainsi devenu une de ses priorités. Alors que les multinationales ont tendance à augmenter les prix au supermarché, tout en rognant sur la rémunération des producteurs, elle tente de garder le cap.

Machines et commandes partagées, sachets réutilisés et même gobelets désormais consignés, la petite entreprise tente par ailleurs de respecter au mieux l’environnement lors de la phase de distribution. Malgré tout ça, Laeticia Natali confie ne pas faire de son engagement un atout commercial, contrairement aux grandes marques de café. “J’en parle à mes clients mais je ne l’affiche pas sur les paquets. Le café vient quand même de l’autre bout du monde, on n’a pas le choix”, rappelle-elle en craignant le green-washing.

Bientôt du café importé par bateau à voile

Ses yeux pétillent pourtant en évoquant le transport du café par bateaux à voile, initié par son distributeur Belco. Pour 1 € de plus par kilogramme de grains transportés, la société promet une réduction par 10 des émissions de CO2, ainsi qu’une suppression des particules fines et du bruit, qui perturbe les comportements des espèces marines. Objectif: réaliser 90% du transport de café de façon décarbonée d’ici 2030. “J’espère importer la moitié de ma gamme en provenance de Colombie ou du Pérou à la voile et je suis prête à rogner sur la marge de certains produits pour que cela reste convenable pour le client”, s’enthousiasme la torréfactrice.

Le café, c’est comme le vin, il faut savoir l’apprécier

De ses débuts sur les marchés, Laeticia Natali dit en effet garder la volonté de s’adresser à tous. Alors qu’elle vient d’ouvrir une première boutique dans le 19ème arrondissement de Paris, elle se réjouit d’abord que personne ne s’y sente exclu. “On a beaucoup de bobos certes, mais il y a aussi des gens qui allaient autrefois chez le torréfacteur du quartier.” Ainsi, seule la moitié de sa gamme est bio pour garantir des prix bas, mais aussi parce qu’elle assure que des exploitations bien plus vertueuses que ce que prévoient le label refusent de payer 2 500 dollars (2 289 euros) pour simplement afficher le précieux sésame. Elle souhaite alors garder une large gamme de prix, allant de 9,50 à 15€ pour un sachet de 250 grammes. “Cela reste cher, mais on prend plus de temps à le consommer qu’une bouteille de vin !”, sourit-elle.

Pour ériger le café au rang de produit d’exception, Laetitia le compare souvent aux produits viticoles. Après sa généralisation comme excitant, puis comme une déclinaison infinie au 20ème siècle, le café serait aujourd’hui entré dans une troisième révolution pour devenir…un art. “Imaginez que vous ayez bu du vin piquette toute votre vie et que vous découvrez maintenant un grand cru”, s’enthousiasme Laeticia, en racontant son épiphanie pour le breuvage.

Une production de terroir ?

Comme les cépages des vins, les cafés de spécialités – comme on les appelle – jouent sur les variétés. Il y en aurait plus de 140, alors que l’arabica et le robusta représentent plus de 98 % de la production. On ajuste surtout la cuisson – la fameuse torréfaction – pour faire ressortir les arômes, contrairement à l’industrie qui “homogénéise le goût en cuisant trop fort”. Enfin, comme le vin, le goût d’un café dépend d’une myriade de conditions, allant de l’altitude des champs, à l’humidité présente dans l’air au moment de le moudre.
Plus qu’un café engagé ou équitable, Laeticia Natali revendique ainsi “une production de terroir”, au plus près des producteurs, de façon artisanale et par un commerce de proximité où les habitués viennent déguster du bon café.

“Mais la comparaison avec le vin s’arrête là”, nuance-elle pourtant. “Pour que le café soit bon, il faut aussi que le consommateur pratique l’extraction* de la bonne façon. Et il ne faut pas grand-chose pour qu’un bon café devienne dégueulasse.” Vous voilà prévenu !

*L’extraction désigne la préparation du café pour transformer les graines moulues en boisson. De la machine à filtre à celle à piston ou en expresso, le goût et la teneur en caféine changeront beaucoup en fonction de la technique d’extraction.

À consulter également