La rénovation thermique des bâtiments s’accélère en France et c’est une très bonne nouvelle pour le climat. Malheureusement celle-ci se fait aujourd’hui au détriment de la biodiversité. Avec les travaux d’isolation des bâtiments, on fait disparaître les imperfections dont de nombreux oiseaux raffolent pour nicher.
En seulement vingt ans, 46% des martinets noirs qui s’installent dans les cavités de nos maisons ont ainsi disparu en France. Certes, la raréfaction de leur nourriture et la pollution ont aussi un impact, mais l’aménagement du bâti a une telle importance que la Ligue de Protection des oiseaux (LPO) a décidé de mettre en place un comité spécial, pour inciter les professionnels de la construction et de l’urbanisme à mettre la biodiversité au cœur de leurs projets.
“Si aucune étude n’est réalisée, ça peut coûter très cher.”
« L’objectif, c’est de ne plus percevoir le vivant comme une contrainte, mais comme la ligne directrice de chaque aménagement », détaille Maëva Felten, responsable du programme Nature en ville pour la LPO. Contre les entreprises qui installent des nichoirs au hasard ou, pire, des ruches sans savoir s’il y a les fleurs correspondantes aux alentours, elle prône la mise en place de diagnostics systématiques.
L’objectif est alors de ne pas se restreindre à la biodiversité du site en question mais de s’interroger aussi sur la « biodiversité grise », c’est-à-dire celle dont dépendent les matériaux de construction. « Il faut regarder la question dans son ensemble », rappelle Maëva Felten, convaincue qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle contrainte. « Si aucune étude n’est réalisée et qu’il y a une espèce protégée observée sur le site, le projet doit être arrêté. Ça coûte très cher et ça endommage l’image de l’entreprise auprès des citoyens. »
Alors, pour aider les collectivités territoriales, les entreprises de BTP et les différents acteurs du secteur, l’association environnementale prépare un guide inédit pour la rentrée et expérimente déjà en Ile-de-France la rénovation bénéfique pour la biodiversité. À l’hôpital Saint-Antoine de Paris, 20 martinets noirs ont été préservés malgré les travaux de modernisation, grâce à l’installation de nichoirs spécifiques et à la réalisation des travaux en dehors des périodes de présence de l’oiseau.
« Les martinets sont très tatillons et reviennent chaque année au même endroit après la période de migration. Nous sommes donc parfois obligés d’émettre des chants d’oiseaux pour les orienter vers les nouveaux nids », détaille Maëva Felten. Dans d’autres cas, les aménageurs installent des petits tuyaux derrière l’isolation pour conserver des cavités bénéfiques aux oiseaux. D’après les premiers résultats, ces solutions simples et peu onéreuses ne compromettent pas l’isolation thermique des bâtiments.
Des centaines de milliers d’oiseaux meurent écrasés contre les vitres
Pour anticiper les contraintes sur le vivant, certains projets prévoient même d’intégrer des nids d’oiseaux directement sur les façades lors de la construction. « Il faut d’abord étudier sur le site ce qu’on va trouver comme espèces et faire des nichoirs adaptés », indique Maëva Felten, qui appelle aussi à limiter les constructions de grandes baies vitrées, qui désorientent les oiseaux. Chaque année, des centaines de milliers de volatiles meurent ainsi suite à une collision contre une surface vitrée. « On construit de plus en plus de toitures végétalisées et c’est bien, mais lorsque le garde-corps est en verre, cela entraîne un gros risque de collision pour les oiseaux. »
Verres anti-collision à Enghien les bains. © Aurélien Huguet
Par rapport à d’autres pays, la France intègre encore très peu cette problématique et le premier projet d’installation de vitres adaptées aux oiseaux vient à peine de voir le jour à Enghien-les-Bains, dans le Val-d’Oise. Pour la construction d’une école, la collectivité a opté pour des verres spécifiques sur lesquels les oiseaux voient des rayures et détectent ainsi la paroi, tandis que ces motifs sont presque invisibles à l’œil humain.
Ne pas oublier le sol, les insectes, reptiles et chauves souris
Mais au-delà des oiseaux, les travaux de modernisation du bâti ont aussi un impact sur des chauves-souris, des reptiles, comme le lézard des murailles, ou des insectes comme les papillons qui logent dans des petits interstices ou dans les greniers. Des impacts encore très peu évalués et pour lesquels les solutions se font rares.
L’école primaire publique des sciences et de la biodiversité, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) © ChartierDalix, architecture & paysage
À Boulogne-Billancourt, un bâtiment fait office de modèle. Construite en 2014, l’école de la biodiversité abrite pas moins de 345 espèces différentes , grâce à des crevasses intégrées aux murs, une forêt ainsi qu’une prairie recomposée sur les parois et le toit du bâtiment. Seul bémol, la construction n’a pas su s’affranchir du béton. Un matériau néfaste à l’environnement.
Maëva Felten le rappelle, « le mieux reste de consommer le moins d’espaces possibles pour préserver les organismes vivants des sols ». Mais comme rien n’est simple, l’arrêt de l’artificialisation des sols entraîne aussi en retour une densification du bâti en ville, ainsi que l’aménagement des friches, qui peuvent aussi être dommageables à la biodiversité.
Image d’illustration : Martinet noir entrant dans une cavité © Quentin Vallerie / LPO