Ressourcerie, café convivial, vestiaire solidaire, ateliers à prix libres… Le Poulpe, acronyme de “Petite Organisation Utile pour Le Peuple et l’Environnement”, porte bien son nom tant ce tout-en-un écologique et solidaire est tentaculaire. Visite de ce lieu emblématique du 18ème arrondissement de Paris.
Un joyeux bazar organisé. Voilà comment décrire le Poulpe en 3 mots. Portée par l’association la Bricolette, cette ressourcerie est presque littéralement saturée d’objets divers et variés. Dès l’entrée, on en voit une flopée en face de nous, répartie en rayons. Sur notre droite, la caisse enregistreuse est ornée d’un arc multicolore revendiquant que “l’écologie sans la lutte des classes, c’est du jardinage”. Sur notre gauche se dressent des étagères contenant des livres, des cadres et autres babioles. En levant les yeux, on lit un “LE POULPE” écrit en jaune, placé au centre d’une balustrade et orné de feuillages. A ses côtés flottent un drapeau palestinien tagué d’un “cessez le feu”, un drapeau breton, un tissu rouge sur lequel est écrit “Nous sommes toustes des enfants d’immigré.e.s” et des chaînes de flotteurs de piscine. Le ton est donné : le Poulpe est allègrement politique.
Il faut dire que l’organisation peut servir d’exemple en termes d’ambitions écologiques et solidaires. Côté ressourcerie, on collecte tout type d’objets – vaisselle, meubles, vêtements ou encore fournitures scolaires – pour les revendre à petits prix. Les mercredis et samedis, de 11h à 19h, on peut déposer les objets dont on ne se sert plus. Les mercredis et samedis, de 11h à 19h, et les jeudis et vendredis de 14h à 19h, on peut y faire ses emplettes à prix cassés : “Ici, vous pouvez acheter une assiette à 50 centimes, un pull à 3€ et des livres à prix libre”, détaille Emilie, administratrice du Poulpe “C’est pour éviter de jeter des objets qui peuvent avoir une deuxième vie”. Même les articles en mauvais état sont récupérés : “Si une assiette est un peu ébréchée, on la donne.” poursuit Emilie, “Pour tout ce qui est électronique, on a des employés spécialisés qui les petites pannes. Pareil pour le métal ou le textile.” Les objets les plus endommagés sont jetés mais ils ne représentent que 7% des articles récoltés, contre 46% d’articles vendus, 35% d’objets recyclés et 12% d’objets donnés. En 2023, le Poulpe a vendu l’équivalent de 170 000€ d’objets.
Mais avant de trouver preneur-se, certains dons doivent passer par les étapes nettoyage, réparation et/ou revalorisation. Direction l’étage, où se trouvent les ateliers dédiés. L’atelier informatique nous plonge dans un univers de film de science-fiction : toutes les étagères sont jonchées de claviers, moniteurs, souris et câbles qui serpentent sur les murs. Dans la pièce d’à côté, les objets en bois reprennent vie et ce de manière parfois…surprenante, en témoigne ce meuble jaune vif composé de deux chaises collées. En tout, ce sont 12 salarié-es, 5 volontaires en service civique et une trentaine de bénévoles qui font tourner cette immense machine qu’est le Poulpe. Et à entendre les “Salut Juliette !”, “Coucou Emilie !” et “Comment vont les enfants ?” qui fusent durant notre visite, on devine que tout ce petit monde s’entend bien. L’afrobeat et le R&B qui sortent des enceintes participent à cette bonne ambiance.
Le mardi, le Poulpe est fermé au public : c’est le jour du vestiaire solidaire. “Les personnes en situation de grande précarité peuvent prendre une douche, avoir accès à des produits d’hygiène et se servir en vêtements, en couvertures, en duvets.”, explique l’administratrice. “Où peut-on placer une douche dans un lieu si chargé ?”, vous demandez-vous ? A l’étage également ! Là où se trouve la salle d’animation : “ On loue cette salle à des associations qui ont besoin d’un lieu. Par exemple, le mercredi et le samedi midi, il y a des cours de yoga ici. Certains prestataires organisent des ateliers à prix libres et nous reversent ensuite une partie de leurs recettes.”
Des ateliers ont aussi lieu au café du Poulpe, situé au rez-de-chaussé, à côté de l’entrée (vous suivez ?) : “Il y a des ateliers pour apprendre à réparer des bijoux par exemple ou des ateliers de dessin. Le café est ouvert du mercredi au samedi et tous les vendredis soirs, il y a un concert.” Et parfois, ils ont même lieu à l’extérieur : “Du printemps à l’automne, on va en pied d’immeubles avec notre camion. On y propose des ateliers de maroquinerie avec des chutes de tissus, par exemple. C’est intéressant parce qu’on va voir directement les gens”, s’enthousiasme Emilie. Ce camion sert aussi de ressourcerie ambulante : les habitant-es des résidences peuvent y déposer leurs anciens vêtements, jouets ou meubles.
Autant de projets qui donnent du crédit aux valeurs affichées par l’association. “L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage” : quand on quitte les lieux, on a bien compris que la maxime revendiquée par le Poulpe, ce n’est pas que des mots.