Les chiffres du chômage du troisième trimestre viennent de tomber : avec un taux de 7,4 %, il reste quasi stable, tout comme le chômage de longue durée. L’occasion pour transonore de vous présenter les territoires « zéro chômeur de longue durée », un projet expérimental de société mené en France dans 75 zones, dont le quartier des Quatre-Chemins à Pantin (Seine-Saint-Denis). Depuis 2023, l’association solidaire PAM! y expérimente le droit à l’emploi en proposant aux chômeurs de longue durée des solutions d’emploi dignes, durables et adaptées à chacun. Rencontre avec Catfish Tomei, directeur de l’association, Karine Viart, encadrante textile, et Kim Porta, coordinatrice.
Pouvez-vous vous présenter ?
Catfish : Moi, c’est Catfish Tomei. Je suis le directeur de Pantin Activités et Métiers!.
Karine : Je suis Karine Viart, je travaille au pôle textile de PAM!. Je forme les salarié-es à la couture, à la réparation de vêtements et plus précisément à l’upcycling. C’est-à-dire qu’on récupère des tissus qui auraient dû être jetés et on leur donne une nouvelle vie.
Kim : Je m’appelle Kim Porta, je suis coordinatrice des projets de solidarité et de la vie associative de PAM!. L’idée, c’est d’être transversale entre les différents pôles d’activité, les habitant-es du quartier et les salarié-es. Je développe des projets très variés.
PAM! promeut le “droit à l’emploi”: de quoi s’agit-il ?
Catfish : La constitution française établit que tout le monde a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Pour la faire respecter dans la réalité, plusieurs associations solidaires ont mis en place une expérimentation promouvant le droit à l’emploi. Elle est développée sur une soixantaine de territoires en France et les personnes qui y vivent et sont privées d’emploi peuvent en bénéficier en étant embauchées en CDI dans l’une des structures habilitées. On va mener l’expérimentation jusqu’en 2026.
Kim : L’expérimentation en question s’appelle “Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée”. C’est une initiative nationale permettant à des associations de devenir des “entreprises à but d’emploi” sur les territoires volontaires. Les territoires et les associations participants sont alors habilités à promouvoir le droit à l’emploi et ils obtiennent les financements qui conviennent à leur mission : pour chaque emploi créé, on est financés à hauteur de 95% d’un SMIC brut. Le but, c’est aussi de prendre en considération les réalités de chaque territoire. Donc une EBE en milieu rural ne construira pas les mêmes projets que PAM! qui est dans un quartier populaire de Seine-Saint-Denis.
Karine : Concrètement, on fait en sorte que des personnes privées d’emploi trouvent un poste durable qui convient le plus possible à leurs capacités et à leur temps dédié au travail.
Il y a donc un constat selon lequel ce droit à l’emploi n’est pas une réalité pour tous-tes ?
Catfish : Les personnes qu’on recrute intègrent PAM! car le marché du travail leur a fermé ses portes. Et parfois pour des raisons très discriminantes : le port du hijab, la maternité…
Kim : Quand on propose à des mères de famille au chômage depuis des années un travail dans leur quartier, avec des horaires qu’elles choisissent, adaptés à leur vie de famille, elles répondent systématiquement “bien sûr !”. Elles ne sont pas au chômage parce qu’elles ne veulent pas travailler. Ce sont les horaires imposés, les temps de trajet trop longs ou encore une incompatibilité entre vie personnelle et vie professionnelle qui les en empêchent. C’est pour ça que le projet “Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée” est extrêmement innovant, engagé et féministe aussi ! Chez PAM! on n’a presque que des femmes parce que le temps choisi et l’emploi local leur permettent de retravailler.
Et au-delà de l’aspect pratique, ces emplois leur plaisent et sont utiles.
Karine : Tout à fait ! On fait bien ce qu’on aime bien, non ? A PAM!, on essaie de concentrer les activités selon les personnes et leurs savoir-faire. On a donc un pôle couture, un pôle cuisine et de l’aide aux personnes. Si une personne âgée, par exemple, a besoin d’aide pour monter un meuble, elle peut faire appel à nos services. Et il y a aussi du service aux entreprises comme le ménage et la réception de colis.
Catfish : Il y a également la boutique solidaire où on vend des cosmétiques à tout petits prix. On teste aussi de nouvelles activités, comme la menuiserie. Et on va vers des projets qui ont une grande ambition écologique pour montrer que le droit à l’emploi contribue à la transition écologique. Le but c’est de trouver la jonction entre les besoins du territoire et de ses habitant-es – donc on va se demander de quoi ont besoin les personnes âgées, les familles… – et tous les talents des collègues recruté-es. Il y a une belle adéquation entre les projets et les salarié-es et, globalement, tout le monde trouve sa place chez PAM!
Kim, tu parlais d’ancrage territorial, comment ça se manifeste à PAM! ?
Kim : Beaucoup par nos collaborations avec des associations du quartier, comme le Pas Si Loin. A l’origine, il y a 10 ans, le projet était porté par des femmes du quartier qui cherchaient à se retrouver, à se réapproprier l’espace public. Au fil du temps, l’association s’est développée pour devenir un lieu qui favorise la mixité sociale et le vivre-ensemble. On y fait des concerts, de l’accompagnement pour les seniors, on prend l’apéro à la cantine etc. On travaille beaucoup ensemble, ils nous prêtent leur cuisine quand on en a besoin, par exemple. Comme on est localisés à différents endroits du quartier et qu’on ne propose pas les mêmes services, c’est intéressant de mêler nos publics pour qu’ils connaissent les deux ressources.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Catfish : L’expérimentation prend fin en 2026 mais l’objectif final, c’est de montrer que ça marche. On aimerait que le projet perdure et s’étende.
Karine : Les personnes que j’ai formées prennent plaisir à faire ce qu’elles font, pourquoi ne partiraient-elles pas pour travailler dans un atelier, ou former d’autres gens à la couture ? Pour l’instant, les personnes entrées chez PAM! sont encore chez PAM!. Mais on aimerait qu’elles se sentent suffisamment fortes et armées pour intégrer d’autres entreprises.