De plus en plus de citadins en quête de sens cherchent à se former aux métiers manuels. Rarement pour en faire un métier mais plutôt comme un loisir. 

Tout plaquer pour devenir artisan ? L’idée taraude de plus en plus d’actifs. Selon un sondage OpinionWay pour l’Atelier des chefs réalisé en août 2023, 37 % des salariés français envisageraient une reconversion vers des métiers « de la main et de l’humain ». Parmi eux, 51 % ont moins de 35 ans et 35 % font partie des catégories socio-professionnelles supérieures. Longtemps dénigrés, les métiers manuels gagnent ainsi en estime à la faveur des préoccupations environnementales et d’une plus forte quête de sens.

Peu franchissent vraiment le pas pour devenir artisan•e. Mais entre le rêve et la réalité, les formations pratiques pour apprendre à travailler de ses mains se multiplient en Ile-de-France et ailleurs dans l’hexagone. Rien qu’à Paris, on comptabilise une dizaine d’ateliers proposant des stages, cours du soir ou ateliers d’apprentissage de la menuiserie.

Un manque de mixité sociale

À travers fil est l’un d’entre eux et confirme qu’en une année, le nombre de stages a été multiplié par deux. L’association, fondée en 2015, a pour ambition politique la « relocalisation de l’artisanat en ville par la transmission des savoir-faire ». Elle a ainsi mis en place un système hybride où des menuisiers professionnels utilisent les ateliers pour leurs commandes et donner des cours aux apprentis bricoleurs. « On essaie d’être le plus inclusif possible, ce qui n’est pas forcément évident dans un atelier masculin », explique Clémence Bosramiez, membre du collectif d’administration. Pour s’approcher au maximum de la mixité sociale, les prix des formations varient en fonction du quotient familial, « même si la majorité des inscrits restent des personnes aisées parce que l’apprentissage est relativement cher ».

© À travers fil

La demande est telle que dans la capitale, les tarifs d’inscription à des cours peuvent grimper jusqu’à 200 € la journée et les réservations sont vite prises d’assaut. « À Paris, nous sommes soumis à la pression financière du loyer, les ateliers ont donc maintenant tendance à aller en banlieue », éclaire Clémence Bosramiez, ajoutant que sans subventions, À travers fil est obligé de compter sur les bénévoles et les dons pour garder l’atelier ouvert aux adhérents.

Un espace de rencontre et de sensibilisation

C’est d’ailleurs ce qui plaît le plus à Florient Aubert, qui s’est pour la première fois inscrit à un cours au printemps 2022. Occupant alors un poste de direction financière, il passait ses journées assis derrière un écran et avait « envie d’activités manuelles tout en étant curieux du travail du bois ». Il caresse même un temps l’idée d’en faire un jour son métier. Mais après avoir enchaîné plusieurs sessions d’apprentissage pour confectionner une table basse et un canapé, il retient surtout le côté loisir et les amis rencontrés dans l’atelier. « Quand je suis là-bas, tout passe très vite. Je suis hyper concentré parce qu’on n’a pas le droit à l’erreur d’un point de vue sécurité et sur le travail. On dit manuel, mais c’est un travail qui est hyper complet où on a besoin de planifier énormément. »

© À travers fil

Si face aux tâches routinières et à la difficulté de se dégager un revenu, il a abandonné l’idée d’en faire son métier, il n’en garde pas moins une meilleure capacité à se rendre compte des aménagements et travaux à effectuer, ainsi qu’une conscience  accrue du réemploi. Clémence Bosramiez confirme : « Acheter un meuble ou le fabriquer soi-même, ce n’est pas du tout la même logique. Quand on fabrique soi-même, on fait attention aux matériaux, on va faire en sorte qu’il dure longtemps. » 

En moyenne, 2 apprenant•es de l’atelier sur 60 se lancent dans le métier, mais ce n’est pas ça l’important. La menuiserie à Paris, c’est d’abord un loisir et un lieu de sensibilisation à l’écologie. C’est aussi une façon de rêver – à l’instar de Florient – qu’un jour, on puisse « travailler 60% au bureau et 40% dans l’atelier ».

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