Dans une nouvelle série d’articles, transonore explore les solutions pour manger de façon écologique et bon marché. Aujourd’hui, Carole Rousseau explique comment elle récupère des invendus de qualité et considère l’alimentation comme un acte politique.

Aujourd’hui c’est la journée mondiale de l’alimentation ! À peine arrivée chez elle, Carole Rousseau déballe son sachet surprise, des étoiles plein les yeux. Mozzarella di Bufala, 2 boîtes de lardons et 6 œufs, le tout pour seulement 3,99€. Un vrai bonheur pour l’habitante du Pré Saint-Gervais qui ne jure désormais plus que par Too Good To Go pour se nourrir sainement. L’application met en relation des restaurants ou supermarchés avec des clients pour écouler les stocks d’invendus et éviter le gaspillage alimentaire. 

Créée en France il y a 7 ans, la solution permet désormais de sauver près de 100 millions de repas par an dans le monde entier. Et si l’on retrouve beaucoup de nourritures transformées, de repas gras et saturés issus des grandes chaînes de magasins sur le catalogue, Carole Rousseau l’utilise plutôt comme un moyen d’accéder aux produits d’exception.

Un bouclier anti-inflation

Sportive et attachée à la qualité de son alimentation, l’ancienne professeure des écoles avait l’habitude d’aller au marché pour trouver des aliments de qualité. Mais ça, c’était avant. 

Avant que l’inflation explose et déséquilibre le budget. Avant que “les bobos viennent s’installer dans le quartier et fassent monter les prix”. Avant que ses revenus diminuent en devenant actrice et professeure de yoga. Résultat, “ce n’est juste plus possible pour moi. Quand je vois qu’il y a maintenant des sandwichs à 8€, il faut arrêter de déconner !”, souffle-t-elle dans sa cuisine qu’elle n’a pas encore pu repeindre, faute de moyens. 

Alors, pour continuer de manger sainement sans faire exploser son porte-monnaie, elle expérimente les invendus alimentaires. Chaque jour, des milliers de commerces partenaires font l’inventaire des produits sur le point de périmer et en font des paniers disponibles à la vente. Le Naturalia des Lilas propose ainsi une quinzaine de lots par jour. 

En vérifiant régulièrement sur son téléphone, Carole Rousseau réserve en moyenne 6 paniers par mois, pour un budget de 150 à 200€. On lui donne une amplitude horaire pour venir les récupérer et le tour est joué. “J’ai tâtonné en essayant plusieurs magasins et en testant d’autres applications.” Au final, elle se concentre sur Naturalia, Bio C’Bon et le maraîcher Julienne pour bénéficier uniquement de produits qu’elle n’aurait pas les moyens d’acheter. Une opportunité qui rend vite addict. “Quand tu reçois un colis, il faut le manger vite sinon la nourriture est périmée”, explique-t-elle. “À un moment donné, je me suis ainsi rendu compte que j’avais grossi parce que je réservais trop de paniers.” Après avoir réduit la voilure, elle pense avoir trouvé la bonne solution en congelant, en donnant à des proches ou à des SDF le surplus qu’elle ne parvient pas à cuisiner. Au-delà de l’attrait économique, l’important reste à tout prix de ne pas gâcher. 

Les courses transformées en panier surprise

Curieuse de nature, Carole Rousseau prend surtout un malin plaisir à découvrir de nouveaux aliments et de nouvelles recettes. “La dernière fois, j’ai rencontré une sorte de racine : quel plaisir”, s’écrit-elle, tout sourire. “Il faut juste être capable de s’adapter pour trouver des façons de cuisiner les aliments et même si on a du chou pendant des mois, il y a des dizaines de façons différentes de le cuisiner !” 

Sa dernière réalisation ? Des crêpes 100% récup avec des œufs et de la crème de Naturalia, de la farine de Bio C’Bon et du beurre issu des paniers antigaspi de Monoprix. “Contrairement aux actifs qui font les courses au plus vite, j’ai le temps de choisir mes boutiques, c’est comme si je travaillais pour trouver la meilleure nourriture.” Une solution qui ne convient pas à tout le monde et serait difficilement réplicable à grande échelle, reconnaît-elle. “Le paiement bancaire sur téléphone exclut les personnes âgées peu à l’aise avec l’informatique et supprime la possibilité pour les plus pauvres de faire les poubelles des magasins, comme c’était le cas avant.” Bien plus qu’une sorte de nécessité, réalisée sans conviction, l’alimentation est pour elle un miroir de notre société et de ses problématiques. 

Un combat contre la malbouffe

“C’est moi qui transforme la nourriture et pas les industriels”, se plaît-elle à rappeler. Engagée dans une croisade contre la malbouffe, elle se désole de voir les jeunes “perdre des années de vie en bonne santé à chaque bouchée d’aliments ultra transformés.” Pire, selon elle, la condition humaine se rapprocherait aujourd’hui de “l’élevage”, où nous serions gavés et pollués physiquement par de la nourriture facile et des pesticides. Pour se défendre, elle appelle à inscrire le sujet dans les programmes scolaires et à garantir des repas gratuits aux plus précaires. Un combat qui débute au coin de la rue. Lorsque Naturalia décide d’arrêter les Too Good To Go pour réserver les invendus aux associations, Carole Rousseau monte au créneau. Elle tente d’expliquer la nécessité de conserver ces paniers repas qui bénéficient à des jeunes étudiants et des artistes précaires. Face à ce système “absurde” qui fait chuter les ventes du bio en augmentant les prix, l’actrice assure que nous pouvons encore agir !

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