Vers un Réseau d’Achat en Commun (VRAC) démocratise l'accès à des produits bios et de qualité dans les quartiers considérés comme des "déserts alimentaires". À Gennevilliers (Hauts-de-Seine), 140 personnes bénéficient du programme, qui préfigure la mise en place d'une Sécurité sociale de l'alimentation.

« Le prix du chocolat a explosé, est-ce que l’on continue à en commander ? » « Des œufs à 28 centimes : oui ou non ? » Sous la forme d’un sondage, les 86 membres du groupe WhatsApp de VRAC Gennevilliers sont invités à s’exprimer sur les produits qu’elles et ils souhaitent consommer. Ici, pas de grossistes, ni d’allées de supermarchés, mais des commandes groupées distribuées par des adhérent.es à d’autres adhérent.es.

Huile d’olive à 10 € le kilo, bouteille de jus de pomme à 2€75 ou café à 6 € les 500 grammes : Vers un Réseau d’Achat en Commun (VRAC) propose des produits bio, locaux et sans emballages, en misant sur la mutualisation des achats pour réduire les prix.

Une fois par mois, le hall de la bibliothèque municipale se transforme en petit marché où les 140 membres du réseau peuvent venir s’approvisionner de 14h à 17h. En plus du côté convivial et des locaux gratuits, c’est aussi une formidable publicité. Pour la majorité des bénéficiaires, c’est en venant chercher des livres à la bibliothèque qu’ils ont découvert que l’on pouvait également y faire ses courses.

Des prix ajustés en fonction des besoins

« Je ne savais pas que ça existait alors que je suis juste à côté », se surprend encore Shéhérazade, qui a découvert l’initiative il y a seulement trois mois. Présente ce jour-là pour aider à l’installation des stands, elle se dit conquise par la solution. « Je ne mange que des aliments faits maison, mais je n’avais pas l’argent jusque-là pour acheter des produits bio. » Allocataire du RSA, la mère de famille bénéficie d’une réduction de 50% sur le prix de tous les produits du catalogue. Sa voisine Imène, qui donne aussi de son temps pour l’association, paye quant à elle ses produits 10% plus chers, en raison de ses revenus plus confortables.

Un système d’équilibre censé garantir la mixité sociale. Dans l’ensemble, la majorité des adhérent.es bénéficient d’une réduction de 10 ou 50% sur les prix, quand seulement un dixième paye le prix fort. « On ne veut surtout pas devenir un repère de bobos », explique Sandrine, la coordinatrice du groupe, en précisant que « les ventes ne suffisent largement pas à payer les produits ». Dès son origine, il y a dix ans à Lyon, ce sont en effet des bailleurs sociaux ou des collectivités qui ont initié le réseau pour le subventionner. 

Combattre les “déserts alimentaires”

Ici, c’est la ville de Nanterre qui a demandé au réseau Vrac de venir s’implanter pour notamment faire face aux “déserts alimentaires”, ces zones où les habitant.es sont obligé.es de prendre le bus pour se rendre aux supermarchés et où il est impossible de se procurer des aliments sains à des prix abordables. « Avec l’expérience des 22 autres groupes locaux, on sait qu’il faut s’implanter sur trois villes différentes au minimum pour que cela fonctionne », rapporte Sandrine qui a réussi à convaincre Gennevilliers et Asnières de rejoindre l’initiative, pour créer, avec le soutien des bailleurs sociaux, le réseau il y a un an. 

L’association accepte toujours les prix demandés par le producteur

En mutualisant les espaces de stockage avec des villes de Seine-Saint-Denis, la coordinatrice parvient à préparer seule trois palettes de produits pour approvisionner les trois villes, chaque mois. En traitant en direct avec les producteurs, l’ancienne maraîchère a une seule exigence : « Ne jamais négocier les prix ! » Avec l’huile d’olive par exemple, la coopérative accepte le prix proposé par le producteur, mais commande près d’une tonne et demie chaque trimestre pour réduire les coûts. Sandrine assure même avoir tenté en vain de contacter directement les producteurs de chocolat en Côte d’Ivoire pour éviter les intermédiaires. 

Avec le projet d’ouvrir une nouvelle distribution en 2025, le réseau Seine-Oise cherche désormais à collaborer directement avec un exploitant à même de proposer des fruits, légumes et produits transformés. « L’enjeu est de travailler sur la relocalisation de nos produits. Aujourd’hui, nous commandons par exemple des lentilles produites dans le sud de la France alors que l’on pourrait traiter directement avec un agriculteur d’Ile-de-France », explique Sandrine.

En suivant tous les détails de ces approvisionnements, les consommateurs du réseau se disent aussi beaucoup plus conscients de ce qu’ils mangent. « Les noix de cajou font fureur, mais comme le Burkina Faso est en pleine guerre civile, on se demande si on peut continuer », illustre Imène, qui insiste aussi sur le côté politique de son engagement. « Il n’y a que sur le terrain que l’on peut améliorer les choses et en venant ici, je suis motivé à faire avancer la cause du bio ». Parce qu’au-delà des bénéfices pour l’environnement, les membres du réseau VRAC insistent sur les bienfaits sociaux de leur démarche. « Je trouve cela totalement inadmissible que les personnes sans argent ne puissent pas avoir accès à des produits de qualité, c’est un enjeu de santé publique », insiste Sandrine. En s’inspirant du réseau VRAC, de plus en plus de collectivités expérimentent ainsi la mise en place d’une Sécurité sociale de l’alimentation.

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