En arrivant rue Henri Ribière dans le 19ème arrondissement de Paris, impossible de rater ce grand batiment blanc habillé de bois. Cet ancien lycée hôtelier a été réhabilité pour devenir la Maison des Réfugiés. D’abord située dans le 14ème, elle collabore désormais avec la toute nouvelle médiathèque James Baldwin, équipement culturel majeur du quartier.
À l’initiative de la ville de Paris, le projet est porté par Emmaüs Solidarité et SINGA Paris, une organisation qui favorise l’inclusion en réunissant les habitant.es locaux et les nouveaux et nouvelles arrivant.es (terme utilisé par SINGA pour désigner les personnes réfugiées, demandeuses d’asile et immigrées). Ces deux associations se partagent la coordination afin de créer un espace d’accueil inconditionnel et un lieu-ressource pour les personnes exilées. À l’entrée, on est accueilli par le charmant sourire de Mahmoud Adimou, coordinateur des sports, culture et orientation à la Maison des réfugiés, et café et thé sont mis à disposition.
“ C’est super ! On fait des rencontres, on vient tous d’endroits différents avec des cultures différentes”, s’extasie Deborah, New-yorkaise de 77 ans venue pour un atelier broderie.
L’endroit de 1000 m2 rassemble une cinquantaine d’associations proposant un large panel d’activités gratuites et ouvertes à tous : yoga, boxe, tissage, cours de français, danse… Mohamed Boudelia, ancien docteur en science de l’information et de la communication, a choisi des cours d’anglais : “ Je venais boire du café et lorsque j’ai vu qu’il y avait des cours d’anglais, j’ai sauté sur l’occasion !”, sourit-il. Les associations qui se partagent les locaux font pour certaines des interventions régulières tandis que d’autres sont là sporadiquement. “ Le but est vraiment de coordonner des associations qui vont répondre à différentes problématiques et de créer des synergies entre elles pour fonder des projets communs”, explique Camila Rojo, en charge de la coordination des partenaires, des liens avec la médiathèque, du développement, de l’organisation des événements et des ateliers socioculturels pour SINGA.
La brune à lunettes déambule dans les couloirs fraîchement repeints. “ Ce que j’adore, ce sont les ventilateurs en bois”, lance-t-elle. En effet, le bâtiment conçu par l’architecte Philippe Madec a été pensé de façon éco-responsable. Chaque salle est équipée d’un capteur de Co2 fixé au mur. Pionnier de l’éco-responsabilité et partisan de la désintoxication du béton, l’architecte démontre qu’il n’est pas nécessaire de tout détruire pour reconstruire.
A l’extérieur, la terre encore vierge des futurs jardins partagés est regardée par une fresque colorée. Un clin d’œil à l’occupation du lycée en 2015, durant la crise migratoire. L’endroit est symbolique. Imaginée il y a plusieurs années, la Maison des réfugiés et la médiathèque James Baldwin avaient beaucoup fait parler d’elles et étaient très attendues par les habitant.es des quartiers environnants. “ On avait peur qu’avec le contexte politique actuel, les habitant.es ne veuillent pas s‘investir”, confie Camila Rojo. Heureusement, leur intuition s’est avérée fausse. La maison manque même de place pour certaines activités. “ C’est très motivant, c’est un quartier très solidaire, beaucoup de gens veulent aider”, enchaîne-t-elle.
Tellement motivant que lors de la journée mondiale des réfugiés, elle s’en ait démis le genou “ On avait un cours de danse et je me suis un peu trop emballée”, rigole-t-elle. Elle raconte, les yeux qui brillent, le concert soudanais qui a eu lieu le même jour “ Ce moment était vraiment très spécial, c’était le reflet du projet, ce truc de vivre ensemble et d’échange de cultures ”.
Parmi les drapeaux accrochés au mur, flotte fièrement celui du Mali. Le pays natal de Sissoko Djénéba, réfugiée qui, au départ, “ ne voulait pas approcher les gens par peur ” et qui a finalement réussi à retrouver du lien social à la Maison des réfugiés “ C’est chaleureux, ça me manquait car au pays, on est beaucoup”, explique-t-elle.
L’éloignement des proches est souvent dur à combler pour les réfugié.es. Shirley Daglish, chargée d’ateliers artistiques, propose aux participant.es de tisser leurs souvenirs aux couleurs de la Maison des Réfugiés – jaune et bleu – sur des petits morceaux de tissu blanc. “Ce qui me plaît ,c’est la découverte de différentes personnes, de différents pays, de différents points de vue”, affirme-t-elle avec ses longs cheveux bruns. Présente depuis l’installation dans le 14ème arrondissement, elle s’habitue peu à peu à son nouvel environnement : “ C’est une autre approche, ça change un peu car l’ancien lieu était lié à un centre d’hébergement d’urgence, donc un grand lieu avec beaucoup de familles qui habitaient là.” Si l’ancien lieu faisait également guise de chambre à coucher, ce n’est pas le cas du nouveau. “Tous les habitant.es ont été relocalisés, le projet de la Maison des réfugiés n’a jamais été de devenir un centre d’hébergement”, explique Camila Rojo.
Dans cette maison, militant.es, simples curieux.ses venu.es emprunter un livre et nouveaux et nouvelles arrivant.es se croisent, s’embrassent et discutent. Vitrine parisienne sur ce que le vivre ensemble peut être.
Aude Labelle