Qui a dit que l’alimentation de qualité était forcément plus chère ? La cantine de Romainville contredit les idées reçues en s’étant convertie au bio, local et fait maison. Un exemple qui fait aujourd’hui des émules.
Désormais, ce ne sont plus les frites que les élèves de l’école Maryse Bastié, à Romainville (Seine-Saint-Denis), attendent. Depuis plus de deux ans, les enfants voient, avant chaque repas, les fruits et légumes qu’ils vont avoir la chance de manger. La majorité sont bios, locaux, de saison, cuisinés sur place et tout le monde en redemande, assure la responsable de la restauration. « Faire manger des gros morceaux de légumes bien visibles dans l’assiette, les enfants n’ont pas adhéré tout de suite », nuance Ludivine Floirac. Mais à force de sensibilisation aussi bien des élèves que du personnel, l’école fait désormais référence jusqu’au Japon pour convertir les cuisines collectives en alternatives bénéfiques à la santé et à l’environnement.
Des parents d’élèves s’élèvent contre l’industrialisation des cantines
Tout a commencé par le goût. Les parents d’élèves, remontés contre la mauvaise qualité des plats servis à la cantine, montent un collectif en 2018. Réunis sous la bannière « Pas d’usine, on cuisine », elles et ils ne veulent plus des barquettes en plastique confectionnées dans une grande cuisine centrale et réchauffées sur place. Dans leurs rangs, on trouve Isabelle Bretegnier, diététicienne nutritionniste et membre du collectif les Pieds dans le Plat, qui œuvre depuis quinze ans à changer la pratique des cuisiniers pour mieux manger et préserver l’environnement. Elle accompagne notamment les collectivités à changer leurs pratiques culinaires, à travers la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Nourrir l’Avenir.
Et ça tombe bien, en 2020, un nouveau maire, ex-cuisinier acquis à leur cause, est élu. Il s’engage alors avec le collectif dans la transformation des cuisines de la ville.

Avec 30 000€ d’investissements, c’est d’abord d’abord la cuisine de cette école qui est remise à neuf pour permettre aux équipes de préparer tous les menus sur place. Espaces pour stocker les produits frais, plans de travail pour la pâtisserie ou encore cellules de refroidissement pour éviter le gaspillage alimentaire : il faut tout repenser.
Une transition collective inédite
À chacune des étapes, les réflexions sont menées de façon collective, jusqu’aux marmites, “pas trop lourdes pour éviter de faire mal au dos ». En parallèle, une formation est donnée à l’ensemble du personnel selon les principes de l’éducation populaire. « Les méthodes d’enseignement classiques et descendantes ne génèrent pas de réflexion et de mise en action suffisantes », explique Isabelle Bretegnier. Un binôme cuisinier-diététicien accompagne notamment les apprenant.es pendant trois jours pour développer des recettes anti-gaspi, réaliser des débats mouvants sur le bien manger ou des jeux pour comprendre les grands enjeux de l’alimentation. Une sensibilisation également menée auprès des accompagnant.es des élèves, du personnel administratif et même de certain.es agriculteurs.rices qui rejoignent le réseau.
« Pour que ça marche, il fallait que tout le monde adhère au projet », confirme Ludivine Floirac. « Ma mission est passée de gérer une facture unique à rencontrer une multitude de producteurs pour passer commande. Cela demande plus d’investissement personnel, mais c’est beaucoup plus gratifiant ! » De l’animateur.rice, plus seulement chargé.e de faire régner la discipline mais d’accompagner cette transition culinaire, aux cuisinier.es, qui peuvent adapter leurs plats en fonction des retours des élèves ou des restes de la veille, chaque personne impliquée reprend un certain contrôle sur son métier. À la clé, le taux d’absentéisme est en baisse et le bonheur se trouve aussi dans l’assiette.

Aujourd’hui, près de 52 % des aliments servis sont biologiques, l’ensemble est fait maison et les inscriptions s’envolent. « On ne s’attendait pas à un tel succès », avoue Isabelle Bretegnie, en indiquant fièrement que le prix des repas est resté le même. Mieux, le coût total des denrées a baissé de près d’un euro par repas grâce à la conversion.
Moins de viandes et moins de gaspi : la recette miracle
La recette ? Elle est connue depuis des années mais est désormais prouvée. « Les viandes sont 3 fois plus chères que les protéines végétales et en ayant divisé le gaspillage par trois, nous avons aussi réduit les coûts. » À la cantine de Romainville, 2 repas sur 5 sont ainsi végétariens et on réduit les déchets alimentaires au maximum. « On travaille, par exemple, beaucoup avec les bouillons. Avec un poulet rôti fermier, on garde la carcasse et on fait du bouillon. On s’affranchit ainsi de toutes les poudres de perlimpinpin, qui sont censées donner du goût, qui coûtent très cher et sont chargées de sel et d’additifs », illustre Isabelle Bretegnier.
Une inspiration pour de nombreuses collectivités qui visitent désormais en nombre les cuisines romainvilloises lors des portes ouvertes. Mais pour les architectes de cette reconversion, des contraintes légales entravent encore la généralisation d’un tel modèle. « Les marchés publics sont compliqués pour les agriculteurs que nous tentons de convaincre et le trésor public n’a pas encore l’habitude d’avoir autant de prestataires différents”, regrette Ludivine Floirac. Pas de quoi décourager la municipalité de Romainville qui prévoit de généraliser l’expérimentation à l’ensemble des cantines de la ville.
Images : cantine de l’école Maryse Bastié, à Romainville – Georges Rioual pour ville de Romainville via SCIC Nourrir l’Avenir
Likez, partagez, commentez
À consulter également

28 février 2025 - Alimentation durable
La Seine-Saint-Denis teste une carte contre la précarité alimentaire
Par Alban Leduc

4 mars 2025 - Alimentation
Comment faire reculer les déserts alimentaires ?
Par Alban Leduc

24 février 2025 - Pantin
La maison du bien vivre alimentaire
Par Aude Labelle
