Les déchets détournés en instruments de musique ont la cote. En plus de montrer qu’il est possible de faire de la musique électronique sobrement, ces initiatives permettent de diffuser subtilement de nouveaux imaginaires écologiques et sociaux.

Transformer un skate en guitare électrique, un klaxon en set techno ou encore un moteur d’essuie-glaces en boîte à rythmes ; sur les réseaux sociaux comme dans la rue, le détournement des déchets en instruments de musique se diffuse à la vitesse du son. Fils de flûte, repéré grâce à une émission télévisée, transforme tous les objets du quotidien en instrument à vent. Nicolas Bras a écrit un manuel pour transformer les tuyaux PVC en musique. Le collectif les Fo’Plafonds tourne dans toute la France avec un orchestre de brocante. 

Une lutherie punk et sauvage

“Quand on s’est lancé dans les instruments surcyclés pendant la pandémie, on s’est rendu compte qu’il y avait déjà une grande communauté”, expose ainsi Stef Pottier, qui a créé l’association Faire ailleurs du son avec deux amis musiciens, à Villiers-sur-Marne, en Ile-de-France. Pour lui, si le phénomène se développe autant, c’est que tout est partagé librement sur internet, dans l’idée d’une lutherie punk et sauvage. “Tout le monde montre ses tutos, s’inspire des autres et peut utiliser les déchets à disposition.” 

Pour le prouver, il propose aux participants des ateliers de venir avec des objets cassés ou qui ne servent plus. L’idée est de réfléchir à la façon de les détourner en instruments de musique. “C’est punk parce qu’on veut aussi garder le côté brut des instruments, il faut qu’on puisse voir que ce sont des déchets à l’origine.” 

Imaginer un monde plus sobre

Loin des sujets clivants sur l’écologie, faire de la musique en valorisant les déchets permet alors de faire comprendre facilement qu’une autre manière de consommer est possible. ”On parle juste de musique et les gens se rendent compte que c’est bête de jeter certains appareils”, insiste Stef Pottier. 

Pour aller encore plus loin et permettre d’imaginer un monde plus sobre, l’artiste Compost Collabs imagine, de son côté, revenir du 22e siècle pour montrer comment on pourrait faire de la musique dans le futur. Avec un assemblage de tubes, sceaux et autres déchets, il parvient à réaliser des musiques électroniques, sans aucune technologie numérique. “Je me sers du fait que ma musique soit appréciée par un large panel de personnes pour faire passer un message politique mais non moralisateur”, explique-t-il. Grâce à une série de vidéos, il explore les façons joyeuses de vivre la musique sans se reposer sur les mauvaises solutions technologiques. 

“L’objectif est de montrer qu’on pourrait imaginer un monde en accord avec la planète sans que cela soit un truc d’Amish [cette communauté anti-technologie utilisée comme caricature des écolos, NDLR].” 
Si la musique peut ainsi devenir un bel instrument de diffusion pour de nouveaux imaginaires, “la vraie ressource, c’est le temps qu’on prend à ne pas regarder un écran et à réfléchir à ce qu’on peut faire avec les objets que nous avons déjà”, conclut Stef Pottier.

À consulter également