Pour ouvrir la maison de retraite vers l’extérieur et proposer des activités aux résidents, un tiers-lieu a été aménagé dans l’EHPAD de la Seigneurie. À l’occasion du cyclotour des tiers-lieux d’Ile-de-France, transonore a pu le visiter.
Aller boire un coup à l’EHPAD ? C’est désormais possible à la maison de retraite de la Seigneurie à Pantin. Depuis mai, le tiers-lieu « (Re) trouvailles » accueille résidents, familles et grand public au sein de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Au menu, bières sans alcool, boissons chaudes, softs et pâtisseries, agrémentés de séances de jeux, de stand-up ou de concerts.
“Un Français sur deux a un regard négatif sur les EHPAD”
Une solution qui vise à sortir les résidents de la solitude et à ouvrir la maison de retraite vers l’extérieur pour redorer l’image des établissements, entachée par la crise du Covid et le livre-enquête de Victor Castanet sur les dérives du géant du secteur, Orpea. « Un Français sur deux a un regard négatif sur les EHPAD », rappelle ainsi le directeur de l’établissement pantinois, Edouard Prono. « On nous dit de changer de nom mais ici, on est fier de le montrer. » Du mardi au vendredi, de 10h à 17h, un nouvel espace flambant neuf, aménagé dans l’ancien logement des gardiens du site, ouvre les portes de l’établissement aux rencontres.
Dans ce tiers-lieu, les rencontres sont d’abord celles des familles avec les résidents, des collègues de l’EHPAD pour la pause-café ou de quelques habitants du quartier, curieux de passer la porte lors d’évènements particuliers. « On a encore du mal à faire comprendre que le tiers-lieu est aussi composé d’un jardin potager de l’autre côté de la rue et à attirer un public extérieur », reconnaît Mélissa Pèbre, chargée du lieu. À la cantine, Joëlle, résidente depuis dix ans, dit en effet ne pas savoir que le café associatif existe. Autour de la table, on confirme qu’y aller seul reste compliqué pour une bonne partie des résidents à mobilité réduite. Mais Jacques, habitué du site, vante, lui, un lieu où l’on peut « jouer avec les copains, écouter de la musique et chanter ». Encore en phase d’évaluation, le personnel indique avoir en général de bons retours sur cette initiative et la psychométricienne constate même un effet positif sur ses patients !
Lauréat d’un appel à projet avec 24 autres EHPAD en France
Mais comme pour beaucoup de tiers-lieux, la fragilité économique reste une grande préoccupation. Avec 24 autres EHPAD en France, la Seigneurie de Pantin a été lauréate en 2022 d’un appel à projets lancé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Mais cela ne suffit pas. « L’appel à projets finance les investissements de départ et non le fonctionnement », regrette Edouard Prono, en indiquant que la structure a eu une première subvention de 5 000€ et renonce à faire payer un loyer au tiers-lieu. Sous une forme hybride, celui-ci est constitué en association mais roule grâce à la mise à disposition de salariés de l’EHPAD. « Pas plus tard qu’hier, nous avons décidé de constituer une association plus indépendante, composée de familles de résidents pour notamment permettre de trouver un modèle économique et des subventions », indique le directeur.
À l’heure où le financement des soins est parfois difficile, le nouveau lieu permet aussi de diversifier la programmation d’activités pour les seniors. « Nous n’avons qu’un animateur pour 100 places, ce n’est pas tant que ça », indique Edouard Prono, qui s’occupe de 280 résidents. Jeux de mots, tableau de suggestions, espace numérique et fausses plantes : avec l’arrivée du café, les résidents ont aussi accès à un lieu convivial, qui reprend les codes alternatifs des tiers-lieux
Difficile, néanmoins, pour la trentaine de visiteurs du cyclotour de s’imaginer profiter de l’espace ouvert sur la rue, tant la pluie douche ce jour-là les envies de s’installer en terrasse. Le groupe file vers le jardin pour découvrir le bien-nommé Pot’âgé•es, qui s’adapte aux résidents grâce à des bacs de plantations de différentes hauteurs et des tapis où faire rouler les fauteuils. Pour toucher le plus grand nombre, le tiers-lieu propose également plusieurs projets hors les murs, avec des scolaires ou des collectifs d’habitants, ainsi que des soirées et des événements. De quoi peut-être vous convaincre de pousser la porte – pas toujours facile – d’un EHPAD, à Pantin ou ailleurs.