Au cœur du quartier prioritaire des Quatre-Chemins à Pantin (Seine-Saint-Denis) se cache une cantine qui favorise le lien social et la solidarité entre habitant-es. Tenue par l’association Pas si loin, elle propose une carte éthique et des événements qui attirent collégiens, retraités, familles et jeunes artistes.
La terrasse, située devant l’entrée principale de la cantine, annonce déjà la couleur, avec ses chaises et tables piquées à des salles de classe et son mini potager, aménagé par le collectif Green Resistance et l’association des 4 Chemins de la Terre. Une fois à l’intérieur du bâtiment carré et gris, on est accueilli par une grande salle colorée, décorée “à la bonne franquette” : “C’était l’ancienne cantine scolaire du collège Jean Lolive, devenu Artagon, un tiers-lieu artistique. On a récupéré du mobilier scolaire et on a demandé aux habitants du quartier de nous donner des meubles. On a réalisé une fresque avec des bénévoles pour égayer l’espace”, explique Antonin Lenglen, salarié de l’association. Des résident-es et salarié-es du tiers-lieu sont attablés avec leur lunchbox au milieu des clients. Les serveurs s’agitent entre les tables et les chaises en bois rustiques, aidés des numéros de table plantés dans des semis. Sur l’estrade, à droite de la salle, des résident.es d’Artagon pianotent sur leur clavier, assis-es dans des canapés presque trop confortables pour travailler. De l’autre côté de la salle, des adolescents chahutent sur les canapés (dangereusement confortables aussi) de l’aire pour enfants au sol, jonchée de jouets. Au fond, un petit groupe attend au comptoir pour commander des boissons. On aperçoit la cuisine à l’arrière.
Une décoration de “récup’” donc, qui s’accorde avec la carte, pensée pour être la plus éthique possible : “Les menus changent chaque jour et les plats sont 100% végétariens, à base de produits majoritairement bio et de saison”, souligne Antonin. L’accent est aussi mis sur le circuit court, avec des ingrédients proposés par des petits producteurs franciliens ou proches de l’Île-de-France. Si vous souhaitez déjeuner à la cantine Pas si loin, entre 12h et 14h du mardi au vendredi et de 12h à 15h pour le brunch du samedi, vous tomberez sur des lasagnes aux légumes d’hiver et au gorgonzola, du céleri rôti sauce curry/estragon, des tagliatelles de radis daïkon, un gâteau à l’orange ou encore une crème choco-coco vegan. Et pour accompagner le tout, vous goûterez certainement aux fameux jus de gingembre et de bissap infusés par les salariées de l’Entreprise à But d’Emploi PAM, dont les locaux sont à deux pas.
Ces plats sont réalisés à la fois par des bénévoles de l’association (encadrés par des professionnel-les pour respecter les règles et normes de la restauration), de jeunes cuisinier-es professionnel-es et des habitant-es des Quatre-Chemins qui se projettent dans la restauration. “On a ce projet d’émergence des talents culinaires du quartier. On utilise l’espace pour leur permettre de s’essayer à la cuisine professionnelle”, explique Antonin. Au cours de ce qu’il appelle des “semaines thématiques”, des amateur-rices de cuisine peuvent se glisser dans la peau de chefs, de commis et de serveur-ses, “un peu comme une résidence” illustre-t-il. Si l’expérience leur plaît, iels sont ensuite dirigé-es par l’association vers des structures professionnalisantes comme les relais restauration de la ville.
Une cuisine faite par les habitant-es du quartier donc, mais aussi pour elleux. La cantine associative propose une carte à petits prix. Comptez 11 euros pour un plat, 15 euros pour la formule entrée-plat ou plat-dessert, et 18 euros pour la formule entrée-plat-dessert. Le mardi, les plats sont à prix libres : “Jusqu’en septembre 2024, les plats étaient à prix libres tous les jours. Mais en raison de difficultés financières, nous sommes obligés de revoir notre modèle économique. On réfléchit à comment être solidaires autrement”, admet Antonin. Il est d’ailleurs permis, sans en abuser bien sûr, notamment aux résident.es d’Artagon de se poser avec une lunch box maison.
En attendant de trouver un modèle économique solidaire pérenne, la cantine reste fidèle à ses engagements dans sa programmation événementielle : “On organise beaucoup d’événements en tout genre et c’est un pan tout aussi intéressant que la restauration”, tient à préciser Antonin. Une fois la cantine fermée, on peut assister à des spectacles queer du collectif Bi Pan Paris, danser lors d’une boom des seniors (thème années 60 à 80) ou débattre autour de l’histoire coloniale avec le collectif Canal Historique, et ce jusqu’à 23h du mardi au vendredi et 18h le samedi. Il y en a pour tous les goûts à la cantine Pas si loin, du moment que ces goûts rassemblent.