Julie-Lou Dubreuilh milite pour que la Seine-Saint-Denis pense au bien-être de ses moutons et à celui des citadins.

En bordure du parc Georges-Valbon, côté La Courneuve, la pollution sonore de l’A86 fait place au frémissement des feuilles et aux chants des oiseaux.

Un potager, un poulailler, des bottes de paille, des cabanes en bois et quelques bâtiments rudimentaires en briques. Les gloussements des poules se mêlent aux bêlements des moutons. C’est ici, dans cette parenthèse urbaine, que vit Julie-Lou. Avec les bénévoles de son association, Clinamen, elle y élève une petite centaine de brebis et d’agneaux. Le visage rougi par la chaleur, un turban blanc improvisé sur la tête et des claquettes aux pieds, elle nous raconte son parcours, assise à l’ombre des arbres de cette bergerie hébergée par le département de la Seine-Saint-Denis. Comme tous les bergers, son travail est de nourrir son troupeau et d’assurer sa sécurité. Sa particularité, c’est le milieu auquel elle s’est adaptée. Pour faire paître ses moutons, elle arpente des kilomètres de bitume au milieu des tours en béton du département. “Si tu vois qu’il n’y a plus d’herbe verte, il faut que tu te dises ‘Je vais amener mes moutons dans telle cité parce que (…) sur la face nord, il y a toujours de l’herbe fraîche.’ Moi, je connais le truc. Peut-être qu’un mec des montagnes, il saura pas”, explique-t-elle le sourire aux lèvres.

Il y a un peu plus de 10 ans, Julie était architecte. Son aventure commence lorsqu’elle pose ses valises à Paris pour y travailler en tant que cheffe de chantier. Un jour, elle accepte une mission un peu spéciale : construire une bergerie. Mission au cours de laquelle elle se retrouve à… dialoguer avec les moutons. Et après ? “Je sais pas, on s’est kiffés, puis je suis restée quoi !”, se remémore-t-elle avec un enthousiasme communicatif.

Un coup de foudre qui la pousse à changer de métier. Sa vie devient frugale et pleine de sens : “L’agriculture, c’est d’abord se nourrir soi-même et ça, j’ai trouvé que c’était une forme de liberté. Parce que tu ne dépends pas d’un patron, tu ne dépends pas d’un salaire (…) Être libre, c’est quand même agréable.

Autre point positif de la vie de bergère : les méchouis avec les habitants, les échanges autour de souvenirs, les selfies… bref, les rencontres. Rencontres qui lui font comprendre qu’avoir des moutons en ville, ça fait du bien aux citadins : “Quand les gens voient passer les moutons, ils s’arrêtent, ils sourient (…), j’ai l’impression qu’il y a une sorte de bien-être autour du troupeau”, partage-t-elle. Bien-être compromis, selon elle, par l’urbanisation de la Seine-Saint-Denis : “Si ces moutons ne peuvent pas rester parce qu’on est en train de tout transformer en logements (…), ça veut dire que ce facteur de bien-être n’est plus là.” Mais trop déterminée et proactive pour être fataliste, Julie propose une solution :  “Organisons-nous ! Disons aux politiciens : ‘Eh, arrêtez de construire là, 30 secondes ! Il faut garder de la place pour les moutons !Qu’est-ce qu’on peut faire pour que notre cadre de vie soit chouette ? Est-on incapable de construire un endroit où il fait bon vivre ?

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