Depuis quatre mois, une aide financière encourage la réparation des vêtements et des chaussures. Un coup de pouce pour le porte-monnaie et l’environnement. Un succès pour Bobines et Combines, dont l’atelier parisien remet le métier de “retoucheur” au goût du jour.

Il l’accompagnait partout depuis des années. Alors quand son jean est venu à être déchiré, Marie n’a pas hésité. “Ma mère m’avait parlé du bonus réparation, j’ai regardé les boutiques certifiées et j’ai eu de la chance de voir qu’il en existait une à côté de chez moi”. 

Pour 24 euros, elle confie aujourd’hui son pantalon abîmé, ainsi qu’une doudoune neuve déjà déchirée, à Bobines et Combines, une enseigne située dans le 18ᵉ arrondissement de Paris. Sans l’aide de l’État, l’opération lui aurait coûté près du double. 

Depuis le 7 novembre, le “bonus réparation” encourage l’allongement de la durée de vie des vêtements et des chaussures, avec des aides financières allant de 6 à 25 euros. Objectif, lutter contre le gaspillage vestimentaire qui envoie à la poubelle près de 5,8 millions de tonnes de textiles par an, en France.

“Un changement majeur”, pour Cesar Da Cruz, retoucheur pour Bobines et Combines qui a vu les demandes de réparation augmenter de l’ordre de 15% depuis quelques mois. “Avant, nous avions plutôt des personnes âgées du quartier, maintenant, on voit de tout, aussi bien des étudiants que des pharmaciens, qui viennent parfois de loin.” Accessible via le site Refashion, l’opération financée par les entreprises du secteur textile, selon le principe du pollueur/payeur, a déjà enregistré près de 152 000 réparations, dont 80% de cordonneries. Objectif, atteindre les 21,6 millions de pièces réparées d’ici à 2028, soit une augmentation de 35% par rapport à 2023.

Réparer, une habitude qui revient de loin

Au rythme d’une dizaine de réparations par jour, l’atelier parisien créé il y a dix ans ne désemplit pas. Dans le palmarès des retouches, on retrouve la fermeture éclair cassée, le pantalon déchiré à l’entre-jambe ou même les trous dans les t-shirts. “On me ramène parfois des valises entières”, raconte Cesar, en précisant s’occuper aussi bien des vêtements tout juste achetés en friperie, que certaines pièces familiales, transmises de génération en génération. 

Les jeans troués font partie du palmarès des réparations textiles.

À chaque vêtement, une histoire particulière et le “plaisir de l’embellir”. Ce jour-là, l’équipe s’affaire sur un pantalon plutôt banal, dont le propriétaire a demandé l’élargissement. Après une opération presque chirurgicale pour éviter les parties métalliques, le vêtement est habillé d’une bande beige, prélevé sur un autre tissu. “Voilà comment transformer un vêtement de fast fashion en pièce de mode”, sourit le couturier. 

Aux premières loges pour observer les évolutions du textile, il s’inquiète de l’avalanche d’habits de mauvaise qualité. “On a créé les jeans à partir de toile de tente pour les ouvriers de la mine, car le tissu était très résistant. Aujourd’hui, un jean vendu une centaine d’euros commence à avoir des trous au bout de six mois, alors qu’on est loin d’avoir l’activité d’un mineur de fond.”

La résurrection du métier de retoucheur 

En plus d’être de moins bonnes qualités, les vêtements sont moins réparables. Entièrement assemblés par des machines, il devient plus difficile de reprendre les coutures ou de combler les fissures. Un défi pour les apprenantes de l’atelier qui se préparent à exercer le métier.
En reconversion pour la majorité, elles apprennent à faire et à défaire des vêtements toute la journée pour devenir expertes de la retouche. Autrefois déconsidéré, le métier est ainsi en train d’être revalorisé grâce au bonus réparation. “Il y a une prise de conscience”, appuie César. L’écologie devient l’une des principales préoccupations de la clientèle et l’enseigne ouvre désormais des formations dans toute la France pour débutants et confirmés.
Une grande majorité des Français a en effet une bonne image de la réparation. Mais moins d’un tiers seulement ont l’idée de réparer ou de faire réparer leurs vêtements et chaussures. Indice de réparabilité à afficher sur l’étiquette ou malus sur le prix des articles de fast fashion, les acteurs du secteur appellent désormais les pouvoirs publics à aller encore plus loin

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