Quand on déambule dans  les coursives d’Artagon, un tiers-lieu dédié à la scène artistique émergente, il suffit de pousser les portes de l’ancien collège du quartier prioritaire Quatre-Chemins, à Pantin, pour découvrir des artistes plus étonnants les uns que les autres. Ici, le collectif Green Résistance qui crée des installations paysagères avec les habitants ; là, Ismail Alaoui Fdili, un plasticien qui s’intéresse aux chiffonniers, aux gardiens de parking et autres métiers déconsidérés ; ou encore Seumboy, “militant hors-sol” comme il aime se définir, qui a lancé sa chaîne Histoires Crépues pour militer au travers de l’espace numérique. 

Au rez-de-chaussée, derrière la porte d’un petit studio , Joseph Schiano di Lombo s’affaire à la création d’une musique d’ambiance “assez planante”, selon ses termes. Ses grands yeux bleus parcourent un écran d’ordinateur sur lequel s’affiche un logiciel de montage sonore : “J’essaie de transcrire les dessins d’une amie en musique.”, explique-t-il. Un projet qui matche avec la personnalité lunaire dans tous les sens du terme qui nous fait face : s’exprimant  lentement, pesant chaque mot, Joseph se montre réservé mais surtout passionné. Les idées fourmillent dans sa tête, on les entendrait presque.

Joseph parle de son art comme d’une personne Une personne qui aurait plus d’emprise sur lui que l’inverse, d’ailleurs : “C’est difficile de savoir ce que je préfère entre le dessin, la musique et l’écriture.”, admet-il, l’air rêveur. “En revanche, il y a des choses qui me préfèrent. En ce moment, la musique me préfère. J’estime que je ne suis pas le seul à décider.” Ce qui pourrait sonner comme de l’indécision est en fait une liberté, à laquelle l’artiste ne renoncerait pour rien au monde : “Il y a des choses qui me tiennent à coeur, à savoir le fait de ne pas être déterminé, de ne pas se déterminer, à travers une pratique unique dans laquelle on s’enferme.”, précise-t-il avec beaucoup de sérieux, le mouvement de ses mains accompagnant ses mots. 

Pas étonnant que Joseph fasse partie des 50 artistes retenus par l’équipe d’Artagon Pantin pour bénéficier d’un accompagnement pendant dix-mois pour les aider à vivre de leur art. 

Allergique aux limites, Joseph ne se contente pas de cumuler les disciplines. Il fait aussi tomber les barrières entre culture populaire et culture dite légitime, entre second degré et sérieux. Avoir composé des musiques pour les campagnes d’Hermès ou avoir dessiné des croquis pour Lancôme ne l’a pas empêché d’écrire des “hairkus” (jeu de mots entre “haïkus” – poèmes courts japonais – et “hair”, “cheveux” en anglais) pour le salon de coiffure d’une amie. “Poux/Poux/Pidou” peut-on lire dans l’un d’entre eux. Une de ses œuvres les plus connues est le morceau Caresses (Always Too Short)”, extrait de son album Musiques de niche, destiné…aux chiens. D’où tire-t-il son inspiration pour créer des œuvres si surprenantes, aux contours si flous ? De la philosophie de Marcel Duchamp, beaucoup : “Si vous voulez voir les choses différemment, il suffit de le dire. Choisir qu’une chose devient de l’art, c’est en votre pouvoir.

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