À Montreuil, une bibliothèque d’un genre particulier a pris racine au cœur de la ville. À la Bibliothèque d’Objets de Montreuil (BOM), on ne vient pas chercher un roman ou une bande dessinée, mais une perceuse, une shampouineuse ou encore un broyeur à végétaux. Une alternative économique et écologique à la surconsommation, qui séduit de plus en plus d’adhérent.es.

« À la base, c’est un projet de l’Observatoire du Partage », explique Tatjana, coordinatrice de la BOM. Association créée en 2018, l’Observatoire du Partage s’est donné pour mission de repérer et promouvoir les initiatives d’économie du partage, du troc aux AMAP en passant par les bibliothèques d’objets. C’est ainsi qu’en collaboration avec la mairie de Montreuil et Shareable, un think tank américain spécialisé dans ces pratiques, l’idée de la BOM a vu le jour. Après une consultation citoyenne concluante et un projet mûri durant la crise sanitaire, la BOM ouvre finalement ses portes dans un espace de 600 m², bien au-delà des 150 m² initialement envisagés. Un lieu pensé non seulement pour le prêt d’objets, mais aussi pour la co-réparation et le partage de savoir-faire.

Aujourd’hui, la BOM met à disposition de ses adhérent.es – majoritairement des femmes – près de 800 objets du quotidien. Moyennant une adhésion annuelle de 24 euros (10 euros en tarif réduit), chacun peut réserver et emprunter l’outil ou l’appareil dont il a besoin pour une durée allant d’une journée à trois semaines – voire plus selon certains cas . » 40% des emprunts, c’est le bricolage », détaille Tatjana. « En 2024, l’objet le plus demandé, c’était la shampouineuse, suivi de la perceuse, du perforateur et du Kärcher. » Un succès qui s’explique facilement. « Une shampouineuse coûte 700 euros à l’achat. Forcément, ça n’a pas de sens pour un usage ponctuel », observe la coordinatrice. Et c’est exactement là que la BOM prend tout son sens. Si la bibliothèque d’objets rencontre un franc succès, son public reste pour l’instant majoritairement issu des quartiers les plus favorisés de Montreuil. Les habitants du Haut Montreuil, où il y a plus de quartiers populaires, viennent moins :“ Déjà à cause de la distance, c’est compliqué de se balader avec un karcher, et aussi peut-être par manque d’information, ou parce qu’ils ont l’impression que ce n’est pas pour eux. » explique-t-elle. Pour élargir son audience, l’équipe de la BOM organise donc des interventions hors les murs, notamment dans les quartiers prioritaires de Montreuil et des villes voisines, comme Bobigny ou Bondy. « On installe des stands de réparation au pied des immeubles, et ça marche plutôt bien », assure Tatjana. « Les habitants sont curieux et plutôt enthousiastes quand ils nous voient. » Avec l’inflation et une prise de conscience écologique croissante, la Bibliothèque d’Objets de Montreuil attire chaque année davantage d’adhérents. « Quand on interroge nos membres sur leurs motivations, l’argument économique arrive en tête, suivi de l’aspect écologique et du fait de participer à un projet collectif », résume Tatjana.

“ C’est ici qu’on fabrique vos meubles IKEA !” plaisante l’intervenant menuiserie dans sa salopette bleue, sur fond de coups de marteau effrénés donnés par les trois enfants inscrits à l’atelier. La BOM ne se limite pas au simple prêt. Lieu de réparation et de transmission, elle accueille, en plus des ateliers menuiserie, sérigraphie, couture, des ateliers de co-réparation. « Je viens presque tous les matins pour aider à réparer ce qui n’a pas pu l’être la veille », explique Nicolas, bénévole depuis la création du projet. « Ce que j’aime ici, c’est l’entraide et le plaisir de redonner vie aux objets. » Les objets qui passent entre les mains des bénévoles et salarié.es sont variés : grille-pains, aspirateurs, cafetières, mais aussi quelques curiosités. « Une fois, on m’a apporté une lampe en forme de satellite, genre Spoutnik. Une vraie galère à réparer, mais on y est arrivé », raconte le bénévole. “Tonton Sim”, responsable des réparations, se souvient d’un gaufrier de 1973, apporté par une dame qui l’avait reçu pour son mariage. « Elle ne trouvait plus le bon câble. Par chance, j’avais une boîte remplie de fils anciens. J’ai mis la main sur la pièce exacte. Elle était ravie de retrouver son gaufrier en état de marche », raconte-t-il avec fierté. La BOM est aussi une réponse aux abus de l’industrie de la réparation. « Une femme est venue avec un aspirateur diagnostiqué en panne par un service après-vente. Le devis prévoyait 150 euros de réparation. Finalement, c’était juste une petite résistance à 50 centimes », déplore Tonton Sim. « Ici, on privilégie la réparation au remplacement, avec des dépenses minimales. »

Alors que la consommation responsable gagne du terrain, ce modèle de bibliothèque d’objets pourrait bien se multiplier.
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