Si on vous demandait de dessiner la salle de classe ou la cour de récréation de vos rêves, à quoi ressembleraient-elles ? Jusqu’au 12 octobre, l’exposition “L’École idéale” aux Magasins Généraux de Pantin, propose aux enfants et aux adultes curieux.ses de se pencher sur cette question essentielle, dans une société qui a considérablement évolué depuis Jules Ferry.

Quand vous pensez à une école primaire, une image vous vient sûrement en tête : sa cour centrale, son préau et un couloir rectiligne, desservant régulièrement des salles de classes hiérarchisées par niveau. Toutes sont équipées de chaises identiques et tables assorties, parfaitement alignées face au tableau.
Près de 150 ans après les lois rendant l’école gratuite, obligatoire et laïque, la standardisation de l’école dite “Ferry” est dépassée par les urgences de notre époque. S’adapter aux contraintes environnementales en se familiarisant avec les énergies et les matériaux renouvelables, grandir dans un monde en pandémie, à distance les uns des autres ou intégrer les nouvelles pédagogies à l’enseignement : l’école primaire doit se réinventer, pour répondre aux besoins des enfants et aux réalités actuelles.

Salles reconfigurables, mobilier modulable, jeux scolaires repensés, classe en plein air ou en forêt, cour de récréation transformée en jardin ou en ferme, l’exposition “L’école idéale” propose un panorama des idées et des innovations qui repensent l’école.
Des abords de l’école à la salle de classe, en passant par le préau, les couloirs et la cour de récréation, les commissaires d’exposition proposent une réflexion sur les mutations architecturales et pédagogiques nécessaires à ce lieu commun et universel, expérimentations à l’appui: l’école maternelle Hakusui, à Chiba (Japon), conçue comme une grande maison en terrasse ; celle sur le toit-terrasse de la Cité Radieuse de Le Corbusier (Marseille) ; le groupe scolaire Frida-Khalo (en Gironde), ouvert sur la nature, ou encore l’école Saint-Merri, aux salles ouvertes au cœur de Paris. Toutes sont le fruit d’une réflexion sur la manière d’adapter la pédagogie, jusque-là formatée à des modèles souvent désuets.
Premier enjeu pour une école idéale : la construction d’un lieu adapté aux enfants, à leur physionomie et à leurs besoins.
Un espace conçu par le studio de design Smarin propose par exemple des modules en bois, à assembler, séparer, transformer. Ce mobilier de salle de classe évolutif, pédagogique et confortable, est pensé pour s’adapter à différentes postures d’apprentissage. Les enfants choisissent l’agencement de leur salle de classe en fonction de leurs besoins : travailler debout, seul.e ou en groupe, se reposer ou faire de la place pour se défouler.

Lola et Sarah, 8 ans, sont en pleine construction : « C’est trop bien, on peut faire notre salle de classe comme on veut ! », lancent-elles en empilant des blocs. En s’appropriant son espace scolaire, celui-ci devient un outil pédagogique et de développement.

Au-delà du mobilier, plusieurs bâtiments à travers le monde repensent le format de l’école dès son architecture. L’école maternelle Hakusui, à Chiba (Japon), en est un exemple. Pour s’adapter aux enfants, s’éloigner de l’institutionnel, du formel et proposer un cadre familier, où l’école n’est plus vécue comme une contrainte mais habité comme un lieu à part entière de sociabilisation et d’éducation, ce bâtiment est pensé comme une grande maison-terrasse, avec un mobilier modulable.

D’autres se tournent vers la nature pour faire de l’école un lieu d’enseignement harmonieux. Pourquoi ne pas faire classe en forêt, comme dans le nord de l’Europe ? Comme le souligne l’exposition: « L’immersion en forêt ou dans des parcs urbains stimule les capacités cognitives des enfants et s’avère bénéfique en termes de santé, de développement et de bien-être ». À Charlottenburg (région de Berlin), dans le pays de la Forêt Noire, l’école Waldschule, conçue par l’architecte Walter Spickendorff, est pionnière et inspirera de nombreuses autres en Allemagne. En pleine forêt, elle est destinée aux petit.es citadin.es souffrant de problèmes de santé. L’idée est d’améliorer leur état, en soutenant une pédagogie tournée vers l’air pur, la lumière naturelle et l’activité physique. À la fois établissement de soins naturels et école primaire, ce système scolaire est décrit comme vertueux par l’UNESCO : « Les écoles de la forêt reposent sur une idée simple mais radicale : la meilleure salle de classe n’a pas de murs ». Après le Covid-19, ce retour au plein air et à l’expérimentation en extérieur ravive l’intérêt. La pandémie est un exemple de rupture rendant nécessaire une nouvelle forme d’école, mieux adaptée aux besoins de la société.
Cette logique s’applique bien sûr à l’urgence environnementale, indissociable de la pensée d’une école idéale. Il faut sensibiliser les enfants, les impliquer et les faire évoluer dans un espace respectueux et durable.
L’exposition met à l’honneur des exemples français, pionniers en matière d’écoles durables, comme le groupe scolaire Frida-Kahlo, en Gironde. Ouvert sur la nature, il est pensé pour répondre aux enjeux de la crise climatique. Muni d’un équipement à énergie positive, le bâtiment est l’un des premiers en France à être labellisé E4C2 (bâtiment à énergie positive et Réduction carbone). Des préoccupations centrales dans la pédagogie que souhaite offrir cette école, en lien avec la nature et la préservation de l’environnement.
Des politiques publiques, bien que trop peu nombreuses, commencent à re-végétaliser les écoles dans les villes. C’est le cas de l’initiative des 200 rues aux enfants à Paris. Ce dispositif, mis en place au lendemain du confinement de 2020, tend à transformer les espaces périscolaires en végétalisant et piétonnisant les abords de l’école. On repousse les voitures,et avec elles le bruit, la pollution et le danger, pour faire naître un espace de jeu qui offre une respiration, avec ses minis-potagers et ses marelles au sol.

Aux logiques « d’universalité, d’ordre et de clarté » se substituent aujourd’hui des logiques écologiques, pédagogiques et de vivre-ensemble. Entre urgence environnementale, nouvelles pédagogies ou encore réflexion sur l’égalité d’accès au savoir, de nouveaux formats d’école émergent. Quand on ressort de cette exposition immersive, la tête remplie des bonnes idées ayant déjà vu le jour, on se laisse à rêver que l’école idéale puisse être bien plus qu’une utopie !

article écrit par Joséphine Teillet avec l’aide de Laure Watrin
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