Situé dans le quartier prioritaire Curial-Cambrai, à deux pas du canal de l’Ourcq dans le 19e arrondissement de Paris, le TLM est un nouveau tiers-lieu conçu par et pour Tout Le Monde. Un projet architectural innovant qui s’inscrit sous le signe de la durabilité, de la solidarité et de la vie de quartier.

105 rue Curial… Lorsque l’on arrive à cette adresse, ce sont d’abord les tours de logements, la population multiculturelle et les petits commerces de proximité qui sautent aux yeux. Et puis, on finit par repérer ce bâtiment, massif, collé à la voie ferrée. Briques sombres et béton côté rue, fresques murales côté Petite Ceinture, il abrite une histoire bien ancrée dans celle du 19ème arrondissement. Ancienne gare de Transport Logistique de Marchandises (TLM, qui a inspiré son nom actuel, Tiers-Lieu en Mouvement), c’est par là que passe la Petite Ceinture, la voie de chemin de fer qui, jusqu’au début du 20e siècle, desservait différentes gares aux portes de Paris. Désaffectée depuis la fermeture de la ligne, c’est grâce à un appel à projets lancé par la SNCF que des associations du quartier ont pu lui donner une seconde vie, en collaboration avec la coopérative d’architecture durable Grand Huit

Tout n’est surtout pas à jeter !

Durables, innovants et solidaires : c’est ainsi que cette coopérative d’architectes aime définir les lieux qu’elle crée. Installée depuis quelques années de l’autre côté du canal de l’Ourcq, la SCOP a déjà à son actif plusieurs lieux qui permettent d’habiter la ville de façon plus durable:  La Ferme du Rail, La Maison des Canaux ou encore les bagageries solidaires du  14ème et 19ème arrondissements. Comme eux, le TLM n’est pas un bâtiment conçu de façon ordinaire. Clara Simay, co-gérante de Grand Huit et cheffe de projet de ce tiers-lieu, revient, les yeux pétillants, sur la première étape de sa conception. « Le plus important, c’était de faire avec ce qu’il y avait déjà: garder l’essence du bâtiment à sa base et rénover ce qu’on pouvait par-dessus ». Ne pas dénaturer l’identité du lieu, un enjeu de taille quand on veut passer d’une halle ferroviaire à un lieu social et culturel durable et solidaire. Pari réussi ! Des briques assagies par le temps, une structure métallique massive abritant de grands volumes, des rails rouillés sur lesquels a poussé l’herbe de la terrasse extérieure… Tous ces éléments ont été préservés, restaurés. Non seulement pour garder l’identité du lieu mais aussi pour porter la démarche durable de l’agence Grand 8.  

Un tiers-lieu (é)coconstruit avec et pour les habitantes et les habitants

Pour Clara Simay, l’aspect social est tout aussi fondamental dans la conception d’un lieu, surtout pour le TLM. Dès le départ, ce tiers-lieu s’appuie sur le quartier pour imaginer sa fonctionnalité mais aussi pour sa construction. Des réunions sont organisées dans les centres Espace 19, au centre social Rosa Parks et à Couleurs de Pont de Flandre pour débattre des besoins des habitant•es et des associations. Des visites sont organisées pour suivre les avancées du chantier. Et ce n’est pas tout ! Pour les aider à se  sentir encore plus acteurs et actrices du lieu, la SCOP les fait participer à la construction. Ils organisent notamment dans tout le quartier une collecte de carreaux pour recouvrir entièrement les toilettes du TLM. Une bonne manière d’ajouter sa pierre à l’édifice. Ils confectionnent des origamis qui recouvrent une bonne partie des murs de l’immense pièce centrale, qui abrite un restaurant, une scène et une mezzanine… Dans les écoles du quartier et lors d’ateliers avec des mamans, les habitant•es ont cousu et re-travaillé de la moquette d’occasion, achetée à la Réserve des arts, pour l’isolation acoustique, en y ajoutant leur touche personnelle (certains ont même signé), afin de s’approprier le lieu.  

L’étape cruciale : récupérer, expertiser, recycler et re-fonctionnaliser 

La marque de fabrique de Grand 8, c’est notamment de réemployer le plus de matériaux possibles. Et de jouer la carte du local et de l’insertion. Le TLM ne fait pas exception. La plupart des matériaux utilisés pour transformer l’usage du lieu sont issus de la récupération locale. Et les ouvriers ont été recrutés grâce à Travail et vie, une structure d’insertion sociale et professionnelle située à Aubervilliers, commune limitrophe de Seine-Saint-Denis. 

Favoriser la seconde main demande un tout autre travail que sur un chantier conventionnel. Il faut franchir plusieurs étapes avant de pouvoir déclarer un matériau apte au réemploi . Pour cela, « le partenariat entre l’architecte et l’artisan est fondamental », insiste Clara Simay. Il faut d’abord trouver le matériau potentiellement réutilisable. Certaines structures le facilitent, comme Cycle Zéro ou la Réserve des arts. Il faut ensuite faire subir au matériau toutes sortes de tests pour savoir si on peut lui accorder une transformation d’usage, réalisée par des artisans spécialisés dans la seconde main. 

Le TLM est d’autant plus chargé d’histoire qu’il est composé d’objets qui y ont trouvé une  seconde voire une troisième vie. Clara Simay pourrait en parler des heures tant le bâtiment de 600 m2 déborde de ressources durables. L’escalier en fer, par exemple, a été trouvé par Grand 8 dans un local d’activité à Montreuil. Les murs et une partie des isolations, en parfait état, ont été récupérés dans des bureaux de Saint-Ouen. Pour permettre une bonne absorption acoustique au niveau du plafond, très haut, La tête dans les nuages a recyclé  des toiles de montgolfières. Les luminaires ont été chinés chez RéaVie, une plateforme de récup’ qui forme des personnes en insertion. Les briques rouges du bar ont été trouvées dans un show-room, les radiateurs, les sanitaires et la sono sur Le Bon Coin et autres plateformes de l’occasion. Les lampes en céramique sont faites par l’une des architectes. La Ressourcerie du spectacle  s’est occupée de la scène. Sur la terrasse, les dalles sont des anciens pavés du centre de Paris. Et cerise sur le gâteau: les rideaux acoustiques, confectionnés par LVMH, viennent d’un concert de Jay-Z. 

Tous les matériaux n’ont pas pu être réemployés. « L’escalier de sortie a été construit à partir de béton, les pompiers exigeaient des normes de sécurité ».  

Conserver l’identité historique et l’essence du bâtiment, inclure le plus possible les habitantes et les habitants dans le projet pour en faire un tiers-lieu par et pour eux, tout en concevant de la façon la plus éco-responsable possible… Les contraintes imposées au départ n’étaient certes pas évidentes, mais quand on voit le lieu vivre aujourd’hui (voir ), après un an de rénovation financée grâce au budget participatif, on en comprend tout le sens. Et l’on comprend que c’est la collaboration étroite entre les associations du quartier, les artisans, les architectes et les pouvoirs publics qui a fait la force de ce projet.

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