Pour le Dry January, les vins, bières et spiritueux sans alcool ont la cote. Leur production et transports présentent pourtant un bilan carbone non négligeable par rapport aux alternatives plus naturelles, comme le kombucha ou le kéfir, mis en avant par les sobreliers.

Quelles alternatives aux sodas ou mocktails très sucrés pour réaliser un mois (ou plus) sans alcool ? Alors que le dry january n’a jamais été autant suivi en France, avec près de 4,5 millions d’adeptes cette année, les vins, bières et spiritueux désalcoolisés sont de plus en plus plébiscités. 

Une façon de garder les arômes des boissons que nous avons l’habitude de consommer, tout en conservant le contrôle et la santé. Le marché est en pleine croissance, si bien que la grande distribution commence à lancer ses propres produits

Oui, mais ce que l’on ne voit pas forcément sur l’étiquette, c’est qu’aujourd’hui, pour faire du “sans”, il faut souvent faire “plus”. Outre l’intervention sur la macération (possible que pour la bière), il n’existe que deux façons de désalcooliser une boisson. L’osmose inverse qui consiste à séparer l’alcool des autres résidus par le passage de la boisson dans différents tuyaux mis sous pression. Et l’évaporation sous vide, dans laquelle la boisson est chauffée pour permettre l’évaporation de l’alcool. 

Une fabrication énergivore

Dans les deux cas, l’opération demande de l’énergie et des installations conséquentes. La colonne à cônes rotatifs, parfois utilisée pour l’évaporation sous vide, peut entraîner jusqu’à 30 % de perte de produit. L’osmose inverse, elle, est très consommatrice d’eau. 

“Le processus en tant que tel n’est pas très énergivore, c’est surtout la chauffe qui consomme. Mais cela reste équivalent à un gros four à pizza”, nous répond Stéphane Brière, expert en développement de boissons légères et sans alcool pour B&S Tech. Fournisseur de solutions pour les entreprises, il assure que les procédés s’améliorent pour être de moins en moins polluants, notamment grâce à l’installation de pompes à chaleur.

Ces aménagements demandant de gros investissements, la plupart des vins étaient jusqu’ici envoyés dans des unités de désalcoolisation à l’étranger, pour revenir à la vente en France. Des allers et venues bien plus polluants que la production. Les vignerons tentent aujourd’hui de réduire ces transports via l’installation, en France, de centres de désalcoolisation. 

Colonne à distiller pour désalcooliser le vin à Arzens (Occitanie). 

Après une première unité de désalcoolisation pour spiritueux, ouverte en 2012, au Havre, les projets se multiplient. Le groupe coopératif Bordeaux Families en a inauguré une pour le vin, il y a un an en Gironde, et une nouvelle devrait voir le jour prochainement dans le Gers. “On a œuvré pour que ce soit au plus proche des milieux viticoles, pour permettre le moins de transports possible”, explique Stéphane Brière. S’il y a ainsi toujours des émissions de carbone additionnelles par rapport aux boissons alcoolisées classiques, cet écart tend à se réduire. 

Doit-on forcément imiter le goût des boissons alcoolisées ?

Mais pour Benoît d’Onofrio, célèbre sommelier sans alcool (ou “sobrelier”), c’est déjà trop. “Le vin est un produit de terroir, là, ça devient un produit de laboratoire”, regrette-t-il, en rappelant qu’il faut généralement ajouter des composants chimiques au vin désalcoolisé pour corriger l’amertume et compenser les pertes aromatiques. 

À l’instar des produits sans viande, les spécialistes considèrent que le sans-alcool n’a pas besoin d’imiter les boissons traditionnelles comme la bière ou le vin. “On a la chance aujourd’hui d’avoir des populations qui osent affirmer qu’elles ne veulent pas de boissons alcoolisées, profitons du fait qu’elles veulent expérimenter d’autres choses”, considère Benoît d’Onofrio, en mettant en avant les boissons à fermentation naturelle comme les kéfirs, kombuchas au miel (“jun”) ou distillats de plantes. 

De plus en plus d’initiatives mettent alors en avant des recettes nouvelles et plus vertueuses pour l’environnement comme la plantation de genévriers, généralement utilisés pour la fabrication du gin, pour créer des spiritueux sans alcool et lutter, par là même, contre l’érosion des sols et de la biodiversité ou la substitution des feuilles de thé par celles du figuier afin de produire des kombuchas locaux.

Les baies de genévrier permettent de constituer des haies bénéfiques à la biodiversité.

Ainsi, “les boissons sans alcool sont les oubliées de la transition écologique”, comme le regrette Kevin Arquillo, fondateur du label Zébi, qui tente de mettre en avant les producteurs artisanaux. Les solutions sont pourtant de plus en plus nombreuses pour permettre de répondre au paradoxe suivant: les clients “s’intéressent à ce que la crème brûlée soit faite avec des œufs bio, mais continuent de boire du Coca zéro.”

Un guide pour trouver les meilleures adresses sans-alcool à Paris

La journaliste indépendante et créatrice du média local Les Pépites du 19ᵉ, Raphaële Bortolin, s’est associée à la première cave de boissons sans alcool de la capitale, pour dénicher les meilleurs bars “sans alcool friendly”. Elle revient pour transonore sur la réalisation de ce livre.

C’est quoi un bar “sans alcool friendly” ?

On a défini 10 critères dans notre livre pour repérer les endroits sans-alcool compatibles et on en a sélectionné au moins un par arrondissement. Il ne s’agit pas forcément de bars spécialisés dans le sans-alcool, c’est encore très rare, mais d’enseignes qui proposent à la carte des boissons originales, faites maisons et avec, si possible, des produits de saison. Alors que la loi Évin oblige les cafés, hôtels et restaurants à proposer au minimum dix boissons sans alcool, on a aussi mis en avant ceux qui ont beaucoup plus de choix et une belle rubrique dédiée sur la carte.

Pourquoi avoir fait un guide de bonnes adresses ?

Quand j’ai fait le dry january, ce n’était pas si simple d’identifier des adresses qui proposent des boissons sans alcool. Il n’y a que les sodas ou les mocktails hyper sucrés et quelques articles pour trouver des lieux qui servent des bières sans alcool, mais quand on creuse un peu, c’est pipo. J’en ai parlé au Paon qui boit [la première cave sans alcool de Paris, NDLR] et on a mis en commun nos réseaux pour recenser les lieux. Ce n’est pas écrit sur la façade, donc il a fallu les chercher un à un. Dès que je passais dans une rue, je ne pouvais pas m’empêcher de regarder la carte des bars et restaurants.

Est-ce que c’est plus cher de boire sans alcool ?

C’est drôle parce que, comme il y a moins d’éléments, on pense que les cocktails sans alcool sont moins chers. Mais cela demande beaucoup de travail, puisqu’il faut inventer des recettes qui n’existent pas et qu’il y a des coûts supplémentaires. Les apéritifs sont rendus plus chers puisque ce sont de petites productions et ils périment généralement plus vite. Comme la demande est encore faible, certains bars baissent les prix pour vendre quand même et participer à changer les pratiques.

Paris sans alcool, octobre 2024, Raphaële BORTOLIN, Maud CATTE et Augustin LABORDE, 12,90 €

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