Des garages solidaires récupèrent les anciennes voitures pour les réparer et les mettre à disposition de personnes dans le besoin. Reportage en Essonne sur cette solution présentée comme écologique.

Des dizaines de véhicules attendent, capots ouverts, de repartir sur les routes. Dans ce garage pas comme les autres, situé à Orsay, dans l’Essonne, tous les véhicules sont en réalité des dons. Arrivés au bout de leur cycle ou de celui de leurs propriétaires, ces voitures attendent d’être remises à niveau pour permettre à des personnes dans le besoin d’en bénéficier.

Enora* est l’une d’elles. Après des mois de galère, elle a enfin décroché un CDI. Problème, elle n’a pas de voiture pour s’y rendre et le RSA qu’elle touchait jusqu’à maintenant ne lui permet pas de s’en acheter une. Comme elle, près de 15 millions de personnes en France se trouveraient en situation de précarité mobilité. Un des principaux freins pour trouver un emploi.

Un dispositif poussé par les écolos

Alors pour tenter de les aider et d’éviter à près de 1,3 million de véhicules par an de finir à la casse, de plus en plus de garages solidaires se mettent en place sur les territoires. Ils récupèrent les voitures en bout de course et les réparent pour les louer ou les vendre à des publics prioritaires. D’un côté, les propriétaires font un don défiscalisé avantageux. De l’autre, les utilisateurs bénéficient d’un tarif 15 à 20% moins cher qu’en occasion pour louer ou acheter un véhicule. Une opération sociale et de recyclage en plein développement.

L’entreprise d’assurance auto et de protection anti-vol « Roule » s’est donnée pour mission de fédérer toutes ces initiatives solidaires de réparation automobiles. « Le concept existe depuis des années, on n’a rien inventé », admet Mathieu Andre Febrero, l’un de ses représentants. « Mais on essaie d’aider avec nos moyens à changer d’échelle ».  En réunissant 25 garages sur toute la France, le réseau Donnezvotrevoiture.org a permis d’augmenter le nombre de dons et de porter le sujet jusqu’au Parlement.

En avril 2024, une disposition permettant aux collectivités locales d’acheter des anciens véhicules pour les mettre à disposition des plus défavorisés a en effet été adoptée, à l’initiative des députés écologistes. « Cela ne concerne que les institutions volontaires et aujourd’hui la plupart ne savent pas comment faire », nuance Mathieu, estimant que près de 15 000 véhicules par an pourraient tout de même être orientés vers la réparation avec les critères de la loi.

Se débarrasser de sa voiture sans embêtements

Au fond des garages, des parkings ou des vieilles bâtisses, en tout, il y aurait environ 13 millions de « véhicules dormants » en France, selon une estimation du journal Les Echos en 2020. « Mais il y a beaucoup d’épaves que nous ne pouvons pas récupérer », tempère Mathieu Andre Febrero.

Pour le garage solidaire d’Essonne mobilité – un des seuls référencés en Ile-de-France -, 20% des véhicules collectés finissent ainsi à la poubelle de recyclage, faute d’avoir pu être réparés. « Les dons gagnent pourtant en qualité avec le temps, pour atteindre une moyenne de 4 000 € en 2024 », indique le responsable du site, Jérôme Breton en précisant que pour les donateurs « ce n’est pas beaucoup plus avantageux que de vendre, mais c’est surtout moins d’embêtements. » Récupération de l’ancien véhicule et trajet vers le concessionnaire pour aller acheter le nouveau : le garage solidaire fait tout pour faciliter l’opération.

Main dans la main avec les concessionnaires

« Au début, les concessionnaires nous voyaient comme des concurrents, mais ils ont vite compris qu’on n’avait pas du tout la même clientèle », retrace Jérôme Breton. Au garage solidaire situé sur le site de l’université Paris-Saclay, les clients sont pour la plupart envoyés par France Travail. Accéder ainsi à un véhicule bon marché leur permet souvent de retourner dans la vie active. « On permet même aux concessionnaires d’avoir des futurs clients », sourit Jérôme. Le garage emploie également une dizaine de personnes en insertion, qui deviennent pour la plupart mécaniciens pour les grandes enseignes des alentours.

Après avoir presque doublé le nombre de véhicules remis en état en sept ans, le garage d’Orsay diversifie maintenant ses activités. À côté des voitures, des scooters ou des trottinettes électriques, il entretien et met aussi à disposition les vélos en libre-service de la région Ile-de-France. Quant à la question de transformer les véhicules thermiques en électriques, le directeur du site s’en arrache les cheveux. « Nous sommes en France dans une situation totalement ubuesque où les restrictions font que les démarches sont chères et compliquées. Alors que d’autres pays comme la Roumanie le font très bien. » Une marge de manœuvre délicate alors que le leasing social, prévu par Emmanuel Macron pour permettre aux plus défavorisés d’acheter des voitures électriques, vient d’être affaibli par le nouveau gouvernement… faute de budget conséquent.

*Le prénom a été changé

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