Délaissée depuis la dématérialisation des tickets, une dizaine de gares d’Ile-de-France se sont reconverties en lieu de vie ou en commerces. Facteurs de dynamisme, d'alternatives écologiques et parfois même de tourisme, ces initiatives repensent nos habitudes de transport.

La tireuse à bières a remplacé le guichet à tickets. À la gare d’Us, dans le Val-d’Oise, c’est désormais un tiers-lieu qui accueille le public. Billard, fauteuils et comptoir, l’ancien hall de 85 m² s’est métamorphosé l’été dernier. Si la station reste empruntée chaque jour par près de 350 voyageurs vers Paris, les guichets et hôtes d’accueil de la SNCF ont quitté le quai depuis plusieurs années.

“C’est un échange de bons procédés”, indique Laurianne Danguilhen, adjointe déléguée au commerce pour la ville de Bessancourt. “Nous avons mis en relation la SNCF avec la commerçante, tout en gardant la main sur les échanges”. La ville a ainsi suggéré à la fleuriste d’enrichir son enseigne d’un salon de thé et de proposer des produits écoresponsables. En contrepartie, celle-ci a été accompagnée pour le dépôt de son dossier et peut désormais bénéficier d’un droit de passage pour exposer ses produits ou installer une terrasse sur le trottoir.

Une façon de repenser le transport de demain

Au-delà de ce contrat gagnant-gagnant pour la réhabilitation de locaux abandonnés, le programme réinvente aussi nos habitudes de voyage. Les gares ne sont plus seulement des interfaces de passage, mais “des lieux de vie qui répondent à la réalité des Franciliens”, indique Amélie Lange, représentante d’Ile-de-France Mobilités. De la coopérative de vente de produits locaux à Santeuil le Perchay aux ateliers de réparation vélo à la gare d’Us, l’accent est mis sur la transition écologique. “L’idée est de décarboner le transport”, appuie Genséric Maingreaud, gérant de la gare d’Us et qui propose également la location de vélos électriques. “On offre des solutions d’écotourisme et ça marche. De plus en plus de Parisiens viennent ici en privilégiant les mobilités douces.”, explique-t-il en ajoutant que certaines entreprises l’ont même contacté pour l’organisation de séminaires.

Pas facile de remobiliser la population locale

Malgré les nombreuses sollicitations, “la fréquentation reste très variable”, reconnaît tout de même Genséric, en attendant les clients au milieu de l’hiver. Lui qui espérait avoir un modèle économique viable en trois ans, se voit obligé de reconsidérer ses plans. “Les utilisateurs de la ligne veulent qu’il y ait quelque chose, mais ne s’arrêtent pas en sortant du train”, soupire-t-il. Alors que les territoires ruraux d’Ile-de-France se sont vidés de leurs commerces et lieux de convivialité, les porteurs de projet déplorent “une sorte de désengagement”. Moteur de ces nouvelles initiatives, la pandémie de Covid a aussi pu affecter l’habitude des usagers, qui tardent à réinvestir les lieux collectifs. Genséric Maingreaud ne s’avoue pas vaincu pour autant. En plus du volet touristique en pleine croissance, il espère “mettre en place une communauté d’habitants locaux, en invitant des artistes et des écrivains pour des ateliers d’écriture”. À l’instar des trains du réseau, la reconversion des espaces et des pratiques peut simplement prendre un peu de retard.

Crédits photos: Pamela Zamparo et Vél’OFIL du Vexin

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