Dans le 19e arrondissement de Paris, une petite révolution textile est en marche. La Textilerie, ressourcerie et atelier de couture, a ouvert ses portes en mars dernier pour tisser du lien social et écologique.
Quand on entre à la Textilerie, au rez-de-chaussée de l’énorme bâtiment du TLM, le décor annonce les couleurs : un drapeau bleu blanc rouge porte l’inscription cousue avec du tissu “ La France est tissu de migrations”. Des portants chargés de vêtements soigneusement triés, des boutons rangés dans des boîtes et des machines à coudre qui s’activent à partir de 18h quand démarrent les ateliers. Aucun doute, pour Elisa Cuffini, 29 ans, qui gère l’espace depuis son ouverture, le projet va bien au-delà de la mode:
« Avec la Textilerie, on veut redonner aux gens la capacité d’agir, de réparer, et de consommer autrement. »
Née en 2018 dans le 10e arrondissement, sous l’impulsion d’Elsa Montségur et Alice Merle, la Textilerie a désormais 2 adresses. Celle du 19e se démarque avec un collectif baptisé Au fil du Rail, regroupant 8 acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire. « Ici, tout le cycle de vie du vêtement est repensé, de la collecte à la fin de vie. On collecte des dons de particuliers pour les revendre en seconde main ou les redistribuer grâce à notre vestiaire solidaire », explique la blonde aux cheveux lisses. Chaque vendredi matin, des associations comme La Cloche ou Utopia 56 orientent des personnes en situation de précarité vers ce vestiaire.
Ici, le textile se réinvente. Outre la vente de vêtements à prix doux (à partir de 2 € pour un t-shirt, 1 € pour les vêtements enfants), l’association propose des ateliers de réparation, gratuits et sans inscription : « On apprend aux gens à donner une seconde vie à leurs vêtements. Ce n’est pas juste de la retouche, c’est une démarche de sensibilisation » précise-t-elle d’une voix douce. Ainsi peu importe son niveau les ateliers proposés sont divers “toute première fois, consolider ses bases cours, les essentiels, sauver ses jeans préférés…” Cette dimension pédagogique distingue la Textilerie d’une simple friperie.
Au milieu d’une des allées, Sophie Rogue, 35 ans, artiste spécialisée dans la bande dessinée et la couture, fréquente les ressourceries depuis une dizaine d’années « Ma mère aussi récupérait beaucoup et, dans notre rue, on s’échangeait souvent des vêtements. J’aime bien cette idée que les choses circulent, qu’elles aient plusieurs vies », raconte la cliente en inspectant les tissus d’un œil averti.
Avec 7 salarié.es et un volontaire en service civique, la Textilerie attire une clientèle variée: des familles du quartier aux étudiants soucieux de leur empreinte carbone. Et parfois, un coup de pouce inattendu vient amplifier son rayonnement « Après un post d’une influenceuse, on a vu débarquer une masse de jeunes curieux de découvrir notre démarche », s’enthousiasme la jeune femme.
Pour les plus motivé.es, une toute nouvelle zone de réemploi citoyen vient d’ouvrir dans la Textilerie du 10e, pour permettre de démonter des vêtements non réparables afin de réemployer les matériaux qui peuvent être sauvés: « C’est tout frais, ça date d’il y a quelques jours. C’est un projet dont on est très fier », confie Elisa.
Et si l’avenir de la planète passait par un simple coup de fil… de couture ?